Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/253

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Pour nous convaincre que l’industrie qui s’exerce dans les villes est, dans toute l’Europe, plus favorisée que celle qui s’exerce dans les campagnes, il n’est pas besoin de se livrer à des calculs compliqués, il suffit d’une observation très-simple et à la portée de tout le monde. Il n’y a pas un pays en Europe où nous ne trouvions au moins cent personnes qui auront fait de grandes fortunes avec peu de chose, par le moyen du commerce et des manufactures, autrement par l’industrie des villes, contre une seule qui aura fait fortune par l’industrie agricole, par celle qui obtient les produits de la terre par la culture et l’amélioration du sol. Il faut donc que l’industrie soit mieux récompensée, que les salaires du travail et les profits des capitaux soient évidemment plus forts dans les villes que dans les campagnes. Or, le travail et les capitaux cherchent naturellement les emplois les plus avantageux. Naturellement donc, ils se jetteront dans les villes le plus qu’ils pourront, et abandonneront les campagnes[1].

Les habitants d’une ville, étant rassemblés dans un même lieu, peuvent aisément communiquer et se concerter ensemble. En conséquence, les métiers les moins importants qui se soient établis dans les villes ont été presque partout érigés en corporations et, même quand ils ne l’ont pas été, l’esprit de corporation, la jalousie contre les étrangers, la répugnance à prendre des apprentis ou à communiquer les secrets du métier, y ont toujours généralement dominé, et les différentes professions ont bien su empêcher, par des associations et des accords volontaires, cette libre concurrence qu’elles ne pouvaient gêner par des statuts. Les métiers qui n’emploient qu’un petit nombre de bras sont ceux où on se livre le plus aisément à ces sortes de complots. Il ne faut peut-être qu’une demi-douzaine de cardeurs de laine pour fournir de l’ouvrage à un millier de fileuses et de tisserands. En convenant entre eux de ne pas prendre d’apprentis, non-seulement ils peuvent se ménager plus d’occupation, mais encore tenir en quelque sorte dans leur dépendance toute la fabrique des draps, et faire monter le prix de leur travail fort au-dessus de ce que vaut la nature de leur emploi.

  1. L’industrie n’est pas réellement, en moyenne, mieux récompensée dans les villes que dans la campagne ; mais les marchands et les manufacturiers résidant dans une ville ont, comme le docteur Smith l’a déjà expliqué, un champ plus large pour l’exercice de leur industrie, ou plus d’occasions de faire fortune par l’emploi d’un grand capital. Mac Culloch.