Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/377

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mer. Dans de telles colonies, il faut qu’il se soit écoulé bien du temps depuis le premier établissement, pour qu’on en vienne à y trouver du profit à nourrir le bétail avec le produit d’une terre cultivée. Ainsi les mêmes causes, c’est-à-dire le défaut d’engrais et la disproportion entre le capital employé à la culture, et la terre que ce capital est destiné à cultiver, y doivent probablement introduire un système d’exploitation assez semblable à celui qui continue encore à avoir lieu dans plusieurs endroits de L’Écosse. Aussi M. Kalm, voyageur suédois, en rendant compte de l’état de la culture de quelques-unes des colonies anglaises de l’Amérique septentrionale telle qu’il la trouva en 1749, observe-t-il qu’il lui fut difficile d’y reconnaître la nation anglaise, si habile dans toutes les diverses branches d’agriculture. « À peine, dit ce voyageur, fument-ils leurs terres à blé ; mais quand une pièce de terre a été épuisée par des récoltes successives, ils défrichent et cultivent une autre nouvelle pièce de terre, et quand celle-ci est épuisée, ils passent à une troisième. Ils laissent errer leurs bestiaux à travers les bois et les terres incultes où ces animaux meurent presque de faim, ayant déjà depuis longtemps détruit presque toutes les plantes annuelles des pâturages, en les broutant de trop bonne heure au printemps, avant que l’herbe ait eu le temps de pousser sa fleur et de jeter ses semences[1]. » Les plantes annuelles formaient, à ce qu’il semble, les meilleurs prés naturels de cette partie de l’Amérique septentrionale, et lors des premiers établissements des Européens, elles croissaient ordinairement fort épais à la hauteur de 3 ou 4 pieds. Une pièce de terre qui, dans le temps où écrivait ce voyageur, ne pouvait nourrir une vache, aurait pu aisément, dans ces premiers temps, à ce qu’on lui assura, en nourrir quatre, dont chacune eût donné quatre fois autant de lait que celle-là pouvait en donner. Suivant lui, c’était cette chétive pâture qui causait la dégradation de leur bétail, dont la race s’abâtardissait sensiblement d’une génération à l’autre. Vraisemblablement ce devait être à peu près comme cette espèce rabougrie si commune dans toute L’Écosse, il y a trente ou quarante ans, et qui s’est si fort amendée aujourd’hui dans la plus grande partie du plat pays, moins par un changement de race (quoiqu’on ait employé cet expédient dans quelques endroits), que par une meilleure méthode de nourrir.

Ainsi, quoique dans les progrès de l’amélioration le bétail n’arrive

  1. Voyages de Kalm, vol. I, pages 343 et 344.