Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/411

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ces spéculations, c’est le profit. Or, le taux des profits ne hausse point, comme la rente et les salaires, avec la prospérité de la société, et ne tombe pas, comme eux, avec sa décadence. Au contraire, ce taux est naturellement bas dans les pays riches, et élevé dans les pays pauvres ; jamais il n’est aussi élevé que dans ceux qui se précipitent le plus rapidement vers leur ruine[1]. L’intérêt de cette troisième classe n’a donc pas la même liaison que celui des deux autres avec l’intérêt général de la société[2]. Les marchands et les maîtres manufacturiers sont, dans cette classe, les deux sortes de gens qui emploient communément les plus gros capitaux et qui, par leurs richesses, s’y attirent le plus de considération. Comme dans tout le cours de leur vie ils sont occupés de projets et de spéculations, ils ont, en général, plus de subtilité dans l’entendement que la majeure partie des propriétaires de la campagne. Cependant, comme leur intelligence s’exerce ordinairement plutôt sur ce qui concerne l’intérêt de la branche particulière d’affaires dont ils se mêlent, que sur ce qui touche le bien général de la société, leur avis, en le supposant donné de la meilleure foi du monde (ce qui n’est pas toujours arrivé), sera beaucoup plus sujet à l’influence du premier de ces deux intérêts, qu’à celle de l’autre. Leur supériorité sur le propriétaire de la campagne ne consiste pas tant dans une plus parfaite connaissance de l’intérêt général, que dans une connaissance de leurs propres intérêts,

  1. Mac Culloch prétend que c’est le contraire qui est vrai. Selon lui, les profits sont le plus élevés dans les pays qui avancent le plus rapidement ; et s’ils paraissent très-forts dans les pays en décadence, c’est à cause du défaut de sécurité, et parce que l’on confond avec le profit la prime exigée pour la garantie du capital. Voyez ses Principles of Political economy, p. 109, 2e éd.
  2. Smith est ici évidemment égaré par son amour des théories. N’est-il pas clair que la décadence d’un pays doit nécessairement être suivie de la destruction de son capital ; et le mal ne doit-il pas, dans cette hypothèse, retomber sur ceux qui ont des capitaux en leur possession ? Il est vrai qu’on pourra réaliser de plus grands profits sur le capital subsistant ; mais ce n’est là qu’un de ces avantages particuliers qui surgissent des calamités publiques les plus affreuses.

    Il n’est pas facile de voir pourquoi les propriétaires fonciers seraient plus généreux que les autres hommes. Ceux qui envisagent les efforts qu’ils ont toujours faits pour élever le prix du blé, et conséquemment la rente de la terre, en prohibant les importations au milieu de populations accablées par le manque de subsistances, ceux-là, disons-nous, ne leur reconnaîtront certes pas avec empressement une générosité plus que commune. Buchanan.