Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/519

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ou de certaine localité du pays (choses qui peuvent quelquefois arriver dans le temps même où le pays en général est dans une grande prospérité), pourrait faire soupçonner que les richesses et l’industrie générales sont en train de déchoir.

En Angleterre, par exemple, le produit de la terre et du travail est certainement beaucoup plus grand qu’il ne l’était, il y a un peu plus d’un siècle, à la restauration de Charles II. Quoique aujourd’hui il y ait, à ce que je présume, très-peu de gens qui révoquent ce fait en doute, cependant, pendant le cours de cette période-là, il ne s’est guère écoulé cinq années de suite dans lesquelles on n’ait pas publié quelque livre ou quelque pamphlet, écrit même avec assez de talent pour faire impression dans le public, où l’auteur prétendait démontrer que la richesse de la nation allait rapidement vers son déclin, que le pays se dépeuplait, que l’agriculture était négligée, les manufactures tombées et le commerce ruiné ; et ces ouvrages n’étaient pas tous des libelles enfantés par l’esprit de parti, cette malheureuse source de tant de productions vénales et mensongères. Beaucoup d’entre eux étaient écrits par des gens fort intelligents et de bonne foi, qui n’écrivaient que ce qu’ils pensaient, et uniquement parce qu’ils le pensaient.

En Angleterre encore, le produit annuel de la terre et du travail était certainement beaucoup plus grand à la restauration que nous ne le pouvons supposer, environ cent ans auparavant, à l’avénement d’Élisabeth. À cette dernière époque encore, il y a tout lieu de présumer que le pays était beaucoup plus avancé en amélioration, qu’il ne l’avait été environ un siècle auparavant, vers la fin des querelles entre les maisons d’York et de Lancastre. Alors même, il était vraisemblablement en meilleure situation qu’il n’avait été à l’époque de la conquête normande, et à celle-ci encore, que durant les désordres de l’heptarchie saxonne[1]. Enfin, à cette dernière période, c’était un pays assurément plus avancé que lors de l’invasion de jules César, où les habitants étaient à peu près ce que sont les sauvages du nord de l’Amérique.

Dans chacune de ces périodes cependant, il y eut non-seulement beaucoup de prodigalité particulière et générale, beaucoup de guerres inutiles et dispendieuses, de grandes quantités du produit annuel détournées de l’entretien des gens productifs, pour en entretenir de non

  1. Époque de l’histoire d’Angleterre, où ce pays était divisé en sept royaumes. Ils furent réunis en une monarchie par Egbert, en 827.