Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/565

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la plus fausse de toutes les suppositions, la supposition que chaque génération successive n’a pas un droit égal à la terre qu’elle possède et à toutes ses autres possessions, mais que la propriété de la génération actuelle peut être restreinte et réglée d’après la fantaisie de gens morts il y a peut-être cinq cents ans. Cependant, les substitutions sont encore en vigueur dans la majeure partie de l’Europe, et particulièrement dans les pays où la noblesse de naissance est une qualification indispensable pour prétendre aux honneurs civils ou militaires. On regarde donc les substitutions comme nécessaires pour maintenir le droit exclusif de la noblesse aux dignités et aux honneurs de son pays, et cette classe d’hommes ayant déjà usurpé sur le reste de ses concitoyens un privilège inique, de peur que leur pauvreté ne rendît celui-ci ridicule, on a trouvé raisonnable qu’ils y en joignissent un autre. À la vérité, le droit commun de l’Angleterre a en haine, dit-on, la perpétuité des propriétés, et les substitutions y sont aussi plus restreintes que dans toute autre monarchie de l’Europe, quoique l’Angleterre elle-même n’en soit pas entièrement affranchie. En Écosse, il y a plus du cinquième, peut-être plus du tiers des propriétés du pays, qui sont encore actuellement dans les liens d’une substitution rigoureuse[1].

De cette manière, non-seulement de grandes étendues de terres incultes se trouvèrent réunies dans les mains de quelques familles, mais encore la possibilité que ces terres fussent jamais divisées fut prévenue par toutes les précautions imaginables. Or, il arrive rarement qu’un grand propriétaire soit un grand faiseur d’améliorations. Dans les temps

  1. Le commentateur Mac Culloch annonce ici qu’il ose être en désaccord avec l’opinion de Smith au sujet de la loi de primogéniture, ou de la coutume qui lègue tout ou la plus grande partie d’une propriété appartenant à une famille, au fils aîné. Il est pour le droit d’aînesse, favorable à la grande propriété, et il déduit ses raisons dans un très-long commentaire, où il déclare que l’expérience faite en France de l’égalité des partages est une expérience funeste à l’agriculture. Il conclut des inconvénients de la propriété morcelée à l’immobilisation forcée et légale de la propriété, à la perpétuité des instruments du travail agricole dans un petit nombre de familles. En Angleterre l’opinion de Mac Culloch est encore l’opinion générale, et Adam Smith, partisan de l’égalité des partages, ennemi des substitutions, n’a point fait de conversion. Dans ce pays la science n’a d’autorité qu’autant qu’elle favorise et défend les intérêts prédominants. Nous n’avons donc pas cru devoir citer en entier le commentaire aristocratique de Mac Culloch. A. B.