Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/578

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core, je crois, partout, avec des degrés d’oppression différents dans les différents pays, n’étaient pas la seule qu’ils eussent à supporter. Quand les troupes du roi, quand sa maison ou ses officiers venaient à passer dans quelques campagnes, les paysans étaient tenus de les fournir de chevaux, de voitures et de vivres, au prix que fixait le pourvoyeur. La Grande-Bretagne est, je crois, la seule monarchie de l’Europe où ce dernier genre d’oppression a été totalement aboli. Il subsiste encore en France et en Allemagne[1].

Il n’y avait pas moins d’arbitraire et d’oppression dans les impôts auxquels ils étaient assujettis. Quoique les anciens seigneurs fussent très-peu disposés à donner eux-mêmes à leur souverain des aides en argent, ils lui accordaient facilement la faculté de tailler, comme ils l’appelaient, leur tenancier, et ils n’avaient pas assez de connaissance pour sentir combien leur revenu personnel devait s’en trouver affecté en définitive. La taille, telle qu’elle subsiste encore en France, peut donner l’idée de cette ancienne manière de tailler. C’est un impôt sur les profits présumés du fermier, qui s’évaluent d’après le capital qu’il a sur sa ferme. L’intérêt de celui-ci est donc de paraître en avoir le moins possible et, par conséquent, d’en employer aussi peu que possible à la culture, et point du tout en améliorations. Si un fermier français peut jamais venir à accumuler un capital, la taille équivaut presque à une prohibition d’en faire jamais emploi sur la terre. De plus, cet impôt est réputé déshonorant pour celui qui y est sujet, et est censé le mettre au-dessous du rang, non-seulement d’un gentilhomme, mais même d’un bourgeois ; et tout homme qui afferme les terres d’autrui y devient sujet. Il n’y a pas de gentilhomme ni même de bourgeois possédant un capital, qui veuille se soumettre à cette dégradation. Ainsi, non-seulement cet impôt empêche que le capital qu’on gagne sur la terre ne soit jamais employé à la bonifier, mais même il détourne de cet emploi tout autre capital. Les anciennes dîmes et quinzièmes, si fort en usage autrefois en Angleterre, en tant qu’elles portaient sur la terre, étaient, à ce qu’il semble, des impôts de la même nature que la taille.

On devait s’attendre à bien peu d’améliorations de la part des tenanciers découragés de tant de manières. Cette classe de gens ne peut ja-

  1. Il n’est pas besoin de dire que tous ces privilèges féodaux ont été abolis en France par la révolution. A. B.