Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/581

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artisans et gens de métier qui étaient alors, à ce qu’il semble, de condition servile ou d’une condition qui en approchait beaucoup. Les privilèges que nous voyons, dans les anciennes chartes, accorder aux habitants de quelques-unes des principales villes d’Europe, suffisent pour nous faire voir ce qu’ils étaient avant ces concessions. Des hommes auxquels on accorde, comme un privilège, de pouvoir marier leurs filles sans le consentement de leur seigneur, d’avoir pour héritiers à leur mort leurs enfants et non leur seigneur, et de pouvoir disposer de leurs effets par testament, ont dû être tout à fait, ou très-peu s’en faut, dans le même état de servitude que les cultivateurs de la terre dans les campagnes.

Il paraît, en effet, que c’était une très-pauvre et très-basse classe de gens, qui avaient coutume de voyager de place en place et de foire en foire avec leurs marchandises, comme nos porteurs de balles d’aujourd’hui. On avait alors, dans tous les différents pays de l’Europe, la coutume qui se pratique à présent dans plusieurs gouvernements tartares de l’Asie, celle de lever des taxes sur les personnes et les effets des voyageurs, quand ils traversaient certains domaines, quand ils passaient sur certains ponts, quand ils portaient leurs marchandises aux foires de place en place, et quand ils y dressaient une loge ou un étai pour les vendre. Ces différentes taxes furent connues en Angleterre sous les noms de péage, pontonage, lestage[1] et étalage. Quelquefois le roi, et quelquefois un grand seigneur qui avait, à ce qu’il semble, droit d’agir ainsi en certaines circonstances, accordait à quelques marchands particuliers, et principalement à ceux qui résidaient dans ses domaines, une exemption générale de toutes ces taxes. Ces marchands, quoique à tous autres égards de condition servile ou à peu près servile, étaient, sous ce rapport, appelés francs marchands. En retour, ils payaient ordinairement à leur protecteur une espèce de capitation[2] annuelle. Dans ces temps-là, la protection ne s’accordait guère que pour une composition assez forte, et on pourrait peut-être regarder cette capitation comme une indemnité de ce que leur exemption des autres taxes pouvait faire perdre à leurs patrons. Il paraît que ces exemptions et ces capitations

  1. Ce mot vient d’une sorte de poids nommé lest. La taxe se percevait sur les marchandises qui se vendaient au lest. Les autres termes s’expliquent assez d’eux-mêmes.
  2. Poll-tax, taxe par tête.