Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/602

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jours plus de capitaux qui en cherchent qu’il n’y a de terres à vendre, en sorte que celles qu’on vend se vendent toujours à un prix de monopole[1]. La rente ne paye jamais l’intérêt du prix de l’achat et, d’ailleurs, elle est diminuée par des frais de réparations et d’autres charges accidentelles auxquelles l’intérêt de l’argent n’est pas assujetti. Une acquisition de biens-fonds est, dans toute l’Europe, le moins avantageux de tous les placements pour de petits capitaux. À la vérité, un homme d’une fortune médiocre, qui se retire des affaires, préférera quelquefois placer son petit capital en terres, parce qu’il y trouve plus de sûreté. Souvent aussi un homme de profession, qui tire son revenu d’une autre source, aime à assurer ses épargnes par un pareil placement. Mais un jeune homme qui, au lieu de s’adonner au commerce ou à quelque profession, emploierait un capital de 2 ou 3,000 liv. sterl. à acheter et à faire valoir une petite propriété territoriale, pourrait, à la vérité, espérer de mener une vie fort heureuse et fort indépendante ; mais il faudra qu’il dise adieu pour jamais à tout espoir de grande fortune ou de grande illustration, ce qu’un autre emploi de son capital eût pu lui donner la perspective d’acquérir dans une autre sphère. Il y a aussi telle personne qui, ne pouvant pas aspirer à devenir propriétaire, dédaignera de se faire fermier.

Ainsi, la petite quantité de terres disponibles sur le marché, et le haut prix de celles qui y sont mises, détournent de la culture et de l’amélioration de la terre un grand nombre de capitaux qui, sans cela, auraient pris cette direction. Dans l’Amérique septentrionale, au contraire, on trouve souvent que 50 ou 60 liv. sterl. sont un fonds suffisant pour commencer une plantation. Là, l’acquisition et l’amendement d’une terre inculte sont l’emploi le plus avantageux pour les plus petits capitaux comme pour les plus gros, et ils offrent le chemin le plus direct pour arriver à tout ce que le pays peut offrir de fortune et d’honneurs. Ces sortes de terres, à la vérité, s’obtiennent presque pour rien dans l’Amérique septentrionale, ou du moins à un prix fort au-dessous de ce que vaut le produit naturel ; chose impossible en Europe,

  1. Les idées que le Dr Smith exprime dans ce passage sont d’une profondeur et d’une générosité que l’on chercherait en vain dans le plus grand nombre de ses disciples et de ses commentateurs. Citoyen d’un pays gouverné par une aristocratie dont le pouvoir et l’existence reposent sur la grande propriété, Adam Smith n’en a pas moins reconnu les avantages et la justice de la division des propriétés foncières, qui donne naissance à la petite propriété. A. B.