Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/123

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et d’argent diminuera considérablement en Espagne et en Portugal ; elle augmentera en même temps dans les autres pays, et alors la valeur de ces métaux, leur proportion avec le produit annuel des terres et du travail, prendront partout l’équilibre, ou à peu près. La perte que l’Espagne et le Portugal auraient à essuyer de cette exportation de leur or et de leur argent serait totalement nominale et purement imaginaire. La valeur nominale de leurs marchandises et du produit annuel de leurs terres et de leur travail viendrait à baisser ; elle serait exprimée et représentée par une moindre quantité d’argent qu’auparavant, mais leur valeur réelle serait toujours la même qu’auparavant ; elle suffirait pour entretenir, commander ou employer tout autant de travail qu’elle en employait. La valeur nominale de leurs marchandises venant à tomber, la valeur réelle de ce qui leur resterait de leur or et de leur argent s’en élèverait d’autant, et une moindre quantité de ces métaux remplirait, à l’égard du commerce et de la circulation, tous les services qui en exigeaient auparavant une plus grande quantité. L’or et l’argent qui iraient au-dehors n’iraient pas pour rien, mais rapporteraient, en retour, une valeur égale de marchandises d’une espèce ou d’une autre. Ces marchandises ne seraient pas non plus toutes en objets de luxe ou de pure dépense, destinés à être consommés par ces gens oisifs qui ne produisent rien en retour de leur consommation. Comme cette exportation extraordinaire d’or et d’argent ne saurait augmenter la richesse réelle ni le revenu réel de ces gens oisifs, elle ne saurait non plus apporter une grande augmentation dans leur consommation. Vraisemblablement la plus grande partie de ces marchandises, et pour sûr, au moins une partie, consisterait en matières, outils et vivres pour employer et faire subsister des gens laborieux qui reproduiraient avec profit la valeur entière de leur consommation. Une partie du capital improductif de la société se trouverait ainsi convertie en un capital actif, et on mettrait en activité une plus grande quantité d’industries qu’on n’en entretenait auparavant. Le produit annuel des terres et du travail de ces pays augmenterait sur-le-champ de quelque chose et, au bout de peu d’années, éprouverait vraisemblablement une grande augmentation, leur industrie se trouvant ainsi soulagée d’un des fardeaux les plus accablants sous lesquels elle ait à gémir actuellement[1].

  1. Le docteur Smith exagère certainement ici les inconvénients qui résultent des lois par lesquelles, en Portugal et en Espagne, l’exportation de l’or et de l’argent est interdite. Ces inconvénients, d’ailleurs, ont maintenant disparu, et les métaux précieux arrivent en Europe par une voie différente. On lit dans le Rapport du comité de la Chambre des Communes, sur le haut prix des lingots : « Si dans le courant de l’année dernière de fortes exportations d’or pour le continent ont eu lieu, d’un autre côté des importations très-considérables de ce métal sont arrivées dans ce pays (l’Angleterre). Ces importations sont venues de l’Amérique du Sud et principalement des Indes Occidentales. Les changements survenus en Espagne et en Portugal, ainsi que les avantages maritimes et commerciaux que nous avons remportés, paraissent avoir fait de cette partie de l’Amérique la voie par laquelle les produits des mines de la Nouvelle-Espagne et du Brésil parviennent aux autres pays. Dans une pareille situation, les importations de lingots et d’argent monnayé nous mettent à même de nous pourvoir de la quantité suffisante, et la rareté de cet article pourrait en conséquence être moins sensible chez nous que sur tout autre marché. Un fait remarquable vient à l’appui de ce que nous avançons. L’argent monnayé du Portugal est maintenant envoyé régulièrement de ce pays-ci aux établissements à coton du Brésil, de Fernambouc et de Maranham ; tandis que des dollars nous arrivent en très-grande quantité de Rio-Janeiro. » Buchanan.