Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/214

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colons aillent plus loin dans ce genre d’industrie, même pour leur propre consommation ; mais elle tient obstinément à ce qu’ils achètent de ses marchands et manufacturiers toutes les marchandises de cette sorte dont ils peuvent avoir besoin.

Elle prohibe l’exportation d’une province à l’autre, par eau, et même le transport par terre, en chariot ou à dos de cheval, des chapeaux, des laines et lainages du produit de l’Amérique ; règlement qui a l’effet nécessaire d’empêcher l’établissement d’aucune manufacture de ces sortes de marchandises pour la vente au loin, et qui limite l’industrie de ses colons, dans ce genre, aux seuls ouvrages grossiers et de ménage, tels qu’une famille particulière peut les faire pour son usage personnel ou pour celui de quelques-uns de ses voisins dans la même province.

Cependant, empêcher un grand peuple de tirer tout le parti qu’il peut de chacune de ses propres productions, ou d’employer ses capitaux et son industrie de la manière qu’il croit lui être la plus avantageuse, c’est une violation manifeste des droits les plus sacrés des hommes. Tout injustes néanmoins que puissent être ces prohibitions, elles n’ont pas été jusqu’à présent très-nuisibles aux colonies ; la terre y est toujours à si bon marché et le travail, par conséquent, y est si cher, que les colons peuvent importer de la mère patrie presque tous les ouvrages de fabrique les plus raffinés et les plus avancés en main-d’œuvre, à meilleur compte qu’ils ne pourraient les établir par eux-mêmes. Ainsi, quand même ils n’auraient pas éprouvé de prohibition relativement à l’établissement de ces sortes de fabriques, vraisemblablement encore, dans l’état actuel de leurs progrès et de leur culture, ils en auraient été détournés par pure considération pour leur intérêt personnel. Peut-être, dans l’état actuel où est l’amélioration de leur société, ces prohibitions, sans enchaîner leur industrie ou sans la repousser d’aucun emploi où elle se fût portée d’elle-même, n’agissent-elles seulement que comme des marques injustes et odieuses de servitude, imprimées sur eux sans nulle espèce de raison et simplement par suite de l’absurde jalousie des marchands et manufacturiers de la mère patrie ; dans un état d’amélioration plus avancé, elles pourraient être réellement oppressives et insupportables.

Si la Grande-Bretagne borne à son seul marché quelques-unes des productions les plus importantes des colonies, aussi, en compensation, elle donne à quelques-unes de ces productions un avantage sur ce mar-