Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/248

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Ainsi, toutes les fois que le monopole du commerce des colonies a entraîné dans ce commerce une plus forte portion du capital de la Grande-Bretagne que celle qui s’y serait portée sans lui, il a toujours déplacé ce capital d’un commerce étranger de consommation avec un pays voisin, pour le jeter dans un pareil commerce avec un pays plus éloigné ; souvent encore, il l’a éloigné d’un commerce étranger de consommation par voie directe, pour le jeter dans un pareil commerce fait par circuit ; et enfin, quelques autres fois, il l’a enlevé à toute espèce de commerce étranger de consommation pour le faire entrer dans un commerce de transport. Par conséquent, dans toutes ces circonstances il a détourné cette portion du capital d’une direction dans laquelle elle aurait entretenu une plus grande quantité de travail productif, pour la pousser dans une autre où elle ne peut en entretenir qu’une quantité beaucoup moindre. En outre, en obligeant une si grande portion du commerce et de l’industrie de la Grande-Bretagne à s’assortir uniquement aux convenances d’un marché particulier, il a rendu l’ensemble de cette industrie et de ce commerce plus précaire, et moins solidement assuré que si tout leur produit eût été assorti aux besoins et aux demandes d’un plus grand nombre de marchés divers.

Gardons-nous bien cependant de confondre les effets du commerce des colonies avec les effets du monopole de ce commerce. Les premiers sont nécessairement, et, dans tous les cas, bienfaisants ; les autres sont nécessairement et, dans tous les cas nuisibles ; mais les premiers sont tellement bienfaisants, que le commerce des colonies, quoique assujetti à un monopole, et malgré tous les effets nuisibles de ce monopole, est encore, au total, avantageux et grandement avantageux, quoiqu’il le soit beaucoup moins qu’il ne l’aurait été sans cela.

L’effet du commerce des colonies, dans son état fibre et naturel, c’est d’ouvrir un marché vaste, quoique lointain, pour ces parties du produit de l’industrie anglaise qui peuvent excéder la demande des marchés plus prochains, du marché national, de celui de l’Europe et de celui des pays situés autour de la Méditerranée. Dans son état libre et naturel, le commerce des colonies, sans enlever à ces marchés aucune partie du produit qui leur avait toujours été envoyé, encourage la Grande-Bretagne à augmenter continuellement son excédent de produit, parce qu’il lui présente continuellement de nouveaux équivalents en échange. Dans son état libre et naturel, le commerce des colonies tend à augmenter dans la Grande-Bretagne la quantité du