Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/283

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été donné en sens inverse, et il a fallu passer la charrue sur un champ de riz ou d’autre grain pour faire place à une plantation de pavots, quand le chef prévoyait la possibilité de faire quelque profit extraordinaire sur l’opium. En maintes circonstances, les facteurs de la compagnie ont tâché d’établir pour leur propre compte le monopole de quelques-unes des plus importantes branches, non-seulement du commerce étranger, mais même du commerce intérieur du pays. Si on les eût laissés faire, il est certain qu’ils auraient essayé, dans un temps ou dans l’autre, de restreindre la production des articles particuliers dont ils avaient ainsi usurpé le monopole, de manière à la réduire non-seulement à ce qu’ils auraient pu acheter eux-mêmes, mais même à ce qu’ils auraient pu espérer vendre avec un profit qui leur eût semblé raisonnable. Avec de pareils moyens, il ne fallait pas plus d’un siècle ou deux pour que la politique de la Compagnie anglaise se fût probablement montrée, par ses effets, tout aussi complètement destructive que celle de la compagnie hollandaise.

Il n’y a cependant rien qui soit plus directement contraire au véritable intérêt d’une Compagnie de ce genre, considérée comme souverain des pays qu’elle a conquis, que ce régime destructeur. Dans presque tous les pays, le revenu du souverain est tiré de celui du peuple. Ainsi, plus le revenu du peuple sera considérable, plus le produit annuel de ses terres et de son travail sera abondant, et plus alors il sera en état d’en rendre au souverain. L’intérêt de celui-ci est donc d’augmenter le plus possible ce produit annuel. Mais si c’est l’intérêt de tout souverain, c’est plus particulièrement encore celui d’un souverain qui, comme ceux du Bengale, tire principalement son revenu d’une redevance foncière. Cette redevance doit nécessairement être proportionnée à la quantité et à la valeur du produit ; or, l’une et l’autre doivent dépendre aussi nécessairement de l’étendue du marché. La quantité du produit se proportionnera toujours, avec plus ou moins d’exactitude, à la consommation de ceux qui sont en état de le payer, et le prix qu’ils en payeront sera toujours en raison de l’activité de la concurrence. Il est donc de l’intérêt d’un tel souverain d’ouvrir au produit de son pays le marché le plus étendu, de laisser au commerce la plus entière liberté, pour augmenter le plus possible le nombre et la concurrence des acheteurs et, à cet effet, d’abolir non-seulement tous les monopoles, mais de supprimer encore toutes les barrières qui pourraient gêner ou le transport du produit national d’un endroit du pays à l’au-