Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/322

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contrôles nécessaires pour les contenir chacun dans leurs attributions respectives. Il chercha à régler l’industrie et le commerce d’un grand peuple sur le même modèle que les départements d’un bureau ; et, au lieu de laisser chacun se diriger à sa manière dans la poursuite de ses intérêts privés, sur un vaste et noble plan d’égalité, de liberté et de justice, il s’attacha à répandre sur certaines branches d’industrie des privilèges extraordinaires, tandis qu’il chargeait les autres d’entraves non moins extraordinaires. Non-seulement il était porté, comme les autres ministres de l’Europe, à encourager l’industrie des villes de préférence à celle des campagnes, mais encore, dans la vue de soutenir l’industrie des villes, il voulait même dégrader et tenir en souffrance celle des campagnes. Pour procurer aux habitants des villes le bon marché des vivres et encou­rager par là les manufactures et le commerce étranger, il prohiba totalement l’exportation des blés et, par ce moyen, ferma aux habitants des campagnes tous les marchés étrangers pour la partie, sans comparaison, la plus importante du produit de leur industrie. Cette prohibition, jointe aux entraves dont les anciennes lois provin­ciales de France avaient embarrassé le transport du blé d’une province à l’autre, ainsi qu’aux impôts arbitraires et avilissants qui se lèvent sur les cultivateurs dans presque toutes les provinces, découragea l’agriculture de ce pays et la tint dans un état de dégradation bien différent de l’état auquel la nature l’avait destinée à s’élever sur un sol aussi fertile et sous un climat aussi heureux. Cet état de découragement et de souffrance se fit sentir plus ou moins dans chacune des parties du royaume, et on procéda à différentes recherches pour en découvrir les causes. On s’aperçut bien qu’une de ces causes était la préférence que les institutions de M. de Colbert avaient donnée à l’industrie des villes sur celle des campagnes.

Si la branche est trop courbée dans un sens, dit le proverbe, il faut, pour la redres­ser, la courber tout autant dans le sens contraire. Il semble que ce soit sur cette maxime triviale que se sont dirigés les philosophes français, auteurs du système qui représente l’agriculture comme l’unique source du revenu et de la richesse d’un pays ; et si, dans le plan de M. de Colbert, l’industrie des villes avait certainement été éva­luée trop haut en comparaison de celle des campagnes, aussi, dans leur système, ils paraissent non moins certainement avoir compté celle-là pour trop peu.

Ils divisent en trois les différentes classes de peuple qu’on suppose