Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/36

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pût suffire à acheter la paye et les vivres de l’armée. D’ailleurs, il y a peu de pays qui donnent beaucoup plus de produit brut qu’il n’en faut pour la subsistance de leurs habitants. Ainsi, en exporter une grande quantité, ce serait envoyer au-dehors une partie de la subsistance nécessaire du peuple. Il n’en est pas ainsi de l’exportation des produits manufacturés. La subsistance des gens employés à ces produits reste dans l’intérieur, et on n’exporte que la surabondance de leur travail. M. Hume[1] remarque fréquemment l’impuissance dans laquelle se trouvaient anciennement les rois d’Angleterre de soutenir sans interruption une guerre étrangère un peu longue. Dans ces temps-là, les Anglais n’avaient rien pour acheter dans des pays étrangers la paye et les vivres de leurs armées, si ce n’est le produit brut de leur sol, dont on ne pouvait pas retrancher une grande portion sur la consommation intérieure, ou bien quelque peu d’ouvrages de fabrique de l’espèce la plus grossière, et dont le transport, comme celui du produit brut, eût été trop dispendieux. Cette impuissance ne venait pas du défaut d’argent, mais du défaut de produits mieux travaillés et plus finis. Les transactions du commerce se faisaient en Angleterre, alors tout comme aujourd’hui, avec de l’argent. Il fallait bien que la quantité d’argent en circulation fût proportionnée au nombre et à la valeur des achats et des ventes qui se consommaient habituellement dans ces temps-là, comme aujourd’hui elle l’est aux achats et ventes qui se font ; ou plutôt même, il fallait qu’elle fût à proportion beaucoup plus grande, parce que nous n’avions pas alors le papier qui fait aujourd’hui une grande partie du service de l’or et de l’argent. Chez les peuples qui ont peu de commerce et de manufactures, le souverain ne peut guère, dans les cas extraordinaires, tirer de ses sujets aucun secours considérable, par des raisons que j’expliquerai dans la suite[2]. Aussi est-ce dans ces pays qu’en général il tâche d’amasser un trésor, comme la seule ressource qu’il ait pour de pareilles circonstances. Indépendamment de cette nécessité, il est dans une situation qui le dispose naturellement à l’économie. Dans cet état de simplicité, la dépense même du souverain n’est pas dirigée par cette vanité frivole qui recherche le faste et l’étalage ; mais cette dépense consiste toute en bienfaits à ses vassaux, et en hospitalité envers les gens de sa suite. Or, la

  1. Voyez son Histoire d’Angleterre.
  2. Liv. V, chap. iii.