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Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/468

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de toute espèce de principe religieux, cet esprit de modération et de calme que donne la philosophie. Ce régime a été établi dans la Pennsylvanie, où, quoique les quakers se trouvent former la secte la plus nombreuse, cependant la loi, dans la réalité, n’en favorise aucune plus que l’autre ; aussi dit-on qu’il y a fait naître partout cette modération et ce calme philosophiques.

Mais quand même, en traitant avec une parfaite égalité toutes les sectes religieuses, on ne parviendrait pas à amener parmi toutes celles d’un même pays, ni même dans la plupart d’entre elles, ce caractère de modération et cet esprit de tolérance, cependant, pourvu que ces sectes fussent suffisamment nombreuses, et chacune d’elles conséquemment trop faible pour pouvoir troubler la tranquillité publique, le zèle excessif de chaque secte pour sa doctrine particulière ne pourrait guère produire d’effets très-nuisibles ; au contraire, il pourrait même produire quelque bien, et si le gouvernement était parfaitement décidé à les abandonner toutes à elles-mêmes, en les obligeant pourtant à rester tranquilles les unes à l’égard des autres, il n’y a pas de doute qu’elles n’en vinssent bientôt d’elles-mêmes à se subdiviser assez promptement pour devenir en peu de temps aussi nombreuses qu’on pourrait le désirer.

Dans toute société civilisée, dans toute société où la distinction des rangs a été une fois généralement établie, il y a toujours eu deux différents plans ou systèmes de morale ayant cours en même temps : l’un, fondé sur des principes rigoureux, et qui peut s’appeler le système rigide ; l’autre, établi sur des principes libéraux, et que je nomme système relâché. Le premier est, en général, admiré et révéré par le commun du peuple ; l’autre est communément plus en honneur parmi ce qu’on appelle les gens comme il faut, et c’est celui qu’ils adoptent. Le degré de blâme que nous portons sur les vices de légèreté, ces vices qui naissent volontiers d’une grande aisance et des excès de gaieté et de bonne humeur, est ce qui semble constituer la véritable distinction entre ces deux plans ou systèmes opposés. Dans le système libéral ou de morale relâchée, le luxe, la gaieté folle et même la joie déréglée, l’amour du plaisir poussé jusqu’à un certain degré d’intempérance, les fautes contre la chasteté, au moins chez un des deux sexes, etc., pourvu que ces choses ne soient pas accompagnées d’indécences grossières et n’entraînent ni fausseté ni injustice, sont en général traitées avec une assez grande indulgence, et sont très-aisément excusées, même entièrement