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Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/473

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du caractère factieux et remuant du clergé romain pendant le cours de plusieurs siècles, démontrent assez combien sera toujours incertaine et précaire la situation d’un souverain qui n’a pas les moyens convenables d’exercer son influence sur le clergé de la religion établie et dominante de son pays.

Il est assez évident par soi-même que des articles de foi, ainsi que toutes les matières spirituelles, ne sont pas du département d’un souverain temporel, qui, à quelque point qu’il puisse posséder les qualités propres à protéger le peuple, est rarement censé posséder celles propres à l’instruire et à l’éclairer. Ainsi, pour tout ce qui concerne ces matières, son autorité ne peut guère contrebalancer l’autorité réunie du clergé de l’église établie. Cependant, sa sûreté personnelle et la tranquillité de l’État peuvent très-souvent dépendre de la doctrine que le clergé jugera à propos de répandre sur de pareilles matières. Comme le prince ne peut donc guère s’opposer directement à la décision des membres de ce corps avec assez de poids et d’autorité, il est nécessaire qu’il soit à portée d’influer sur cette décision ; et il ne saurait y influer qu’autant qu’il pourra s’attacher, par des craintes ou des espérances, la majorité des individus de cet ordre. La crainte d’une destitution ou autre punition pareille, et l’espérance d’une promotion à un meilleur bénéfice, sont propres à remplir cet objet.

Dans toutes les églises chrétiennes, les bénéfices ecclésiastiques sont des espèces de franches tenures dont le titulaire a la jouissance, non pas à simple volonté, mais pendant toute sa vie et tant qu’il se comporte bien. Si les bénéficiers tenaient ces biens à un titre plus précaire, et s’ils étaient sujets à en être expulsés au plus léger déplaisir qu’ils auraient causé au souverain ou à ses ministres, il leur serait peut-être impossible de conserver aucune autorité sur le peuple ; et celui-ci, ne les regardant plus alors que comme des mercenaires dépendant de la cour, ne croirait plus à la bonne foi de leurs exhortations. Mais si le souverain s’avisait d’employer la violence ou quelque voie irrégulière pour priver de leurs bénéfices un certain nombre de gens d’Église, par la raison peut-être qu’ils auraient propagé avec un zèle plus qu’ordinaire quelque doctrine séditieuse ou favorable à une faction, il ne ferait, par une telle persécution, que les rendre, eux et leurs doctrines, dix fois plus populaires et, par conséquent, dix fois plus dangereux et plus embarrassants qu’ils ne l’étaient auparavant. La crainte est presque toujours un mauvais ressort de gouvernement, et elle ne devrait surtout être