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Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/577

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ditionnel de 3 sch. par baril de bière forte, n’a pas fait monter, à Londres, les salaires du travail de manœuvre[1].

Le haut prix des denrées de cette espèce ne fait pas nécessairement que les classes inférieures du peuple aient moins qu’auparavant le moyen d’élever leurs familles. À l’égard d’un homme pauvre qui est rangé et laborieux, des impôts sur ces sortes de denrées agissent comme des lois somptuaires, et le disposent ou à modérer, ou à cesser tout à fait l’usage des choses superflues qu’il ne peut plus suffire à se procurer sans se gêner. Loin que ces impôts lui retranchent rien des moyens d’élever sa famille, souvent peut-être, par une suite de cette frugalité forcée, ils contribuent à y ajouter. Ce sont les pauvres laborieux et économes qui, en général, élèvent les plus nombreuses familles, et qui fournissent principalement à la demande qu’on fait de travail utile. Il est vrai que tous les pauvres ne sont pas rangés et laborieux, et que ceux qui sont sans ordre et sans conduite pourraient bien continuer à se permettre l’usage de ces sortes de denrées après l’élévation du prix tout comme auparavant, sans songer à la gêne que ces habitudes pourraient mettre dans leurs ménages. Néanmoins, ces gens dérangés n’élèvent guère de familles nombreuses ; leurs enfants, en général, périssent par défaut de soins, par vice de régime et faute d’une nourriture ou saine, ou assez abondante. Si la force de leur constitution l’emporte sur les risques auxquels les expose la mauvaise conduite de leurs parents, encore arrive-t-il que les mauvais exemples placés à tous moments sous leurs yeux corrompent ordinairement leurs mœurs, de manière que, au lieu d’être utiles à la société par leur industrie, ils deviennent des fléaux publics par leurs vices et leurs dérèglements. Ainsi, quand même l’élévation du prix dans les choses de luxe à l’usage des pauvres viendrait à augmenter de quelque chose la gêne et la misère de ces ménages dérangés, et à leur ôter en partie les moyens d’élever des enfants, il est probable qu’il n’en résulterait pas une grande diminution dans la population utile du pays.

Toute élévation dans le prix moyen des choses nécessaires à la vie, à

  1. Plusieurs de ces articles, notamment le thé, le sucre, le tabac et les liqueurs spiritueuses, ont subi, depuis quelques années, de fortes augmentations de droits. En 1790, le tabac a été retiré de la régie des douanes et transporté à celle de l’accise : il paye 1 sch. 7 d. par livre ; c’est plus que six fois le prix d’achat, s’il ne coûte que 3 d. la livre, comme on l’a dit aux Communes en 1784.