Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, II.djvu/642

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tent bien, au contraire, les augmenter, et s’ils ne s’attendaient Pas à vendre avec profit leur part de souscription dans un nouvel emprunt, ils ne souscriraient jamais. Mais si, en avançant leur argent, il leur fallait acheter, au lieu d’annuités perpétuelles, des annuités viagères seulement, soit sur leurs têtes, soit sur d’autres, ils ne seraient pas toujours aussi assurés de pouvoir les vendre avec profit. Des annuités sur leurs têtes se vendraient toujours avec perte, parce qu’un homme n’ira jamais donner, d’une annuité sur la tête d’un tiers à peu près du même âge et de même santé que lui, le prix qu’il donnerait d’une annuité sur sa propre tête. À la vérité, une annuité sur la tête d’un tiers est sans contredit de la même valeur pour l’acheteur que pour le vendeur ; mais sa valeur réelle n’en commence pas moins à diminuer du moment où elle est créée, et continue à diminuer toujours de plus en plus tant qu’elle subsiste. Une telle annuité ne peut donc jamais constituer un effet commerçable aussi commode qu’une annuité perpétuelle, dont la valeur réelle peut être censée toujours la même ou très-approximativement la même.

En France, le siège du gouvernement n’étant pas dans une grande ville commerçante, les commerçants n’y composent pas une portion aussi considérable de ceux qui avancent de l’argent au gouvernement. Les gens intéressés dans les finances, les fermiers généraux, les receveurs des impôts qui ne sont pas en ferme, les banquiers de la cour, etc., forment la majeure partie de ceux qui avancent leur argent dans tous les besoins publics. Ces gens-là sont ordinairement des gens d’une naissance commune, mais puissamment riches et souvent fort vains. Ils sont trop haut pour épouser leurs égales, et les femmes de qualité rougiraient de s’allier à eux.

Ils prennent donc souvent le parti de rester célibataires ; et n’ayant point de famille de leur chef, ne prenant pas grand intérêt à leurs parents qu’ils ne se soucient même pas toujours de reconnaître, ils n’ont d’autre désir que de passer leur vie dans l’éclat et l’opulence, et ne s’inquiètent pas que leur fortune finisse avec eux. D’ailleurs, la quantité de gens riches qui ont de l’éloignement pour le mariage, ou qui se trouvent dans une situation à ce que cet état leur soit ou peu convenable, ou moins commode, est bien plus grande en France qu’en Angleterre. Pour de pareilles gens qui ne s’embarrassent que peu ou point du tout de la postérité, il n’y a rien de plus commode que de pouvoir échanger leur capital contre un revenu qui doit durer tout juste aussi longtemps et pas plus longtemps qu’ils ne le souhaitent.