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LA CORVÉE

et des amas de copeaux et de ripes, fleurant bon la résine, jonchent le sol. Les uns façonnent des mortaises aux extrémités des poutres, travail préparatoire à l’assemblage ; les autres promènent la varlope et le rabot d’une main experte ; partout des chevrons, des madriers, des soliveaux, sur lesquels Basile Angers trace d’épaisses lignes au crayon noir pour indiquer l’endroit des entures, des joints, des liens, des chevilles. Et dominant tout ce bruit les « Oh ! Hop ! » du commandant lorsqu’il s’agit de mettre en place les morceaux assemblés.

Tout marchait avec un ensemble des plus prometteurs quand un haussement de voix venu du bord de l’eau détourna l’attention. C’était une dispute entre Batoche Méthot et Tiquenne Guertin qui s’entêtait à faire tirer par ses deux gris dans la montée de la rivière, trois billes d’épinette rouge de soixante pieds non équarries ; ses vigoureux percherons en perdaient le sang par le nez lorsque Batoche, s’apercevant de l’embardêe de leur maître, tenta de lui faire lâcher prise. Tiquenne était bien trop ordilleux pour abandonner la partie, surtout après l’éveil donné sur l’incident. « Je suis venu ici pour montrer de l’ouvrage », affirmait Tiquenne, les sourcis froncés, la couette en bataille et un pli amer au menton. « C’est à