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LA CORVÉE

lampées de lait, ils regardent devant eux le travail accompli. Tout près de là, dans le chaume, deux grands bœufs roux, attelés à la « grand’charrette » flanquée de ses hautes haridelles, semblent sommeiller, les yeux ouverts ; par instants, ils secouent d’un long frémissement leur échine puissante harcelée par les taons.

Pendant le temps des foins, le repas des faucheurs est vite englouti dans les abruptes profondeurs gastriques ; on craint la pluie et l’appétit est robuste ; faucher une relevée durant fait descendre l’estomac dans les talons, aussi le remet-on prestement à sa place… ensuite vient la demi-heure du repos mérité et réparateur, le moment des confidences ou de la courte sieste.Jacques Duval et André allument leur pipe.

André est rêveur : il regarde son père qui, le grand chapeau de paille rejeté en arrière, hume avec conscience les bouffées de l’âcre tabac canadien de son brûle-gueule culotté jusqu’au « bouquin ». Après quelques instants, André laisse échapper aigrement ces paroles :

“ Nous aurons du beau temps, demain, pour la corvée, mais bien peu de bras…

— Allons, André, tu en reviens donc toujours à ta marotte ; il nous manquera les deux bras de Paul, voilà tout…