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LES FOINS

arrêtés et de stupeur un cri s’est échappé de leurs lèvres :

« C’est Paul !… »

« Paul ! » a crié plus fort un peu le père Jacques Duval dont la faulx usagée a tremblé au bout des vieux bras.

« Paul ! » murmure sourdement André dont une joie soudaine illumine le front moite. Mais cette joie a fait aussitôt place à la terreur sur le visage du chef ; ce n’est-pas seulement le frère qui lui bat les talons, c’est aussi le rival.

C’est bien plus le rival ; et une sorte de furie emporte maintenant André et ses hommes. Les torses ruissellent, les éclairs des faulx se confondent et l’herbe se courbe comme sous un grand vent. On fauche au pas redoublé. La pièce qui reste encore à abattre s’amincit, se rétrécit comme en un rêve sous les coups d’une baguette enchantée. On n’entend plus dans le silence du champ que les ahans énergiques des faucheurs qui ne prennent plus le temps d’aiguiser leur instrument et que les plaintes sourdes des plantes que l’on arrache presque à la seule force des bras nerveux.

André pousse tout à coup un cri étouffé ; Paul lui lance un andain dans les talons et le chef voit à côté de lui le clair rayonnement de la faulx