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LA CORVÉE

dans l’air pur allant porter par-dessus les bois bonne volonté, des larmes coulèrent des pauvres yeux maternels et, saisies par le froid, se congelèrent au creux des rides dont elles connaissaient si bien le chemin. Courbés sur leur peine, ni lui ni elle ne dirent plus rien, et, cette nuit-là, il n’y eut pas de réveillon chez Jacques Maillé, de la Rivière-à-Gagnon.

* * *

On se souvient encore à Saint-Jérôme du 28 décembre 1872. Dès la veille au soir, les traîneaux chargés d’érable commencèrent à déboucher de partout. Les gens du fin Nord, ceux de Sainte-Marguerite, de Sainte-Adèle et de Saint-Sauveur arrivèrent les premiers. Et bientôt il y eut autour de l’église une forêt de brancards levés vers la lune. Au presbytère, grand tapage ! Les colons, groupés autour d’un immense crachoir, discouraient bruyamment dans la fumée âcre. Près de la cheminée, debout, la paume de la main soutenant le fourneau d’une longue pipe recourbée, le curé Labelle souriait à tous ces hommes incultes, rudes de visage et hauts de verbe, inspirés et soutenus par son idée. C’était sa famille, à lui qui en avait sacrifié les joies ; il était leur roi, celui qui les conduirait, la hache sur l’épaule, jusqu’au bout du monde.