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LA CORVÉE

Pierre voit tout cela, et dans une vision lointaine de radieux enchantement, ses fiançailles à lui reviennent avec d’autres émotions activer les forces vives de son être. Comme le temps passe ! Huit bambins entourent la table, qu’on allonge chaque année. Longtemps avant cette époque d’un foyer à lui, son père, le vieux Baptiste Grenon, arrivait d’en bas de Québec, seul au sein d’une race étrangère, n’ayant d’autre patrimoine que sa hache et son courage. Les anciens maîtres ont reculé devant ces familles débordantes, vague vivante qui pousse la vague par les vallons et par les plaines trouant les forêts, déchirant la terre féconde et faisant claironner très haut avec une vigueur irrésistible, le fier, le souple, l’indomptable verbe français, c’est la marée montante de la race française sur le sol d’Ontario.

Mais voilà qu’au tournant du chemin, un bruit de voitures s’élève dans un tourbillon de poussière. Pascal Viau suivi du vieux Grenon et de quatre de ses fils, arrive conduisant d’une main sûre un superbe cheval de trait. La bonne femme de Baptiste est avec le jeune homme ; à la maison la besogne ne manquera pas, et certes, grâce à Dieu, la vieille est encore alerte pour son âge. Pierre rencontre ses gens près de la barrière qui