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LA CORVÉE

Dehors les étoiles scintillent et les bouquets de grands pins chantent sur les coteaux. Dans la salle qu’on a débarrassée le joueur de violon accorde son instrument et prélude par quelques trilles vivement enlevés. Les fiancés, encore rougissants d’émotions, ouvrent la danse, cependant que dans la cuisine les plus vieux font la partie de quatre-sept. Toutefois, malgré la joie exubérante, il est clair que ça ne va pas ; la journée a été trop dure. Peu à peu la sauterie perd son entrain et les tables à cartes chaument.

Alors la cour devient pleine de rumeurs. Les gens de la courvée attellent ; Pierre, un fanal à la main, va de l’un à l’autre, éclairant et remerciant tour à tour. « Bah ! pas tant de cérémonies », que fait l’oncle Michel, « c’était chose due, voilà tout. »

Pascal veut faire un bout de veillée près de Jeannette ; laissons-les causer d’avenir et d’amour.

Et dans le calme de ce soir de juin, par les chemins ténébreux, les gens de la courvée s’en vont. Ils disparaissent bientôt tandis qu’après eux, un murmure de voix reste encore puis s’éteint peu à peu. On les devine longeant le champ essouché où s’estompe dans la nuit l’amoncellement des racines duquel se dégage un parfum de terre humide qui grise ces terriens de bonne race.