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Page:Société Saint-Jean-Baptiste - La croix du chemin (premier concours littéraire), 1916.djvu/23

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LA CROIX DU CHEMIN

Je vous observerai encore, d’autant que cela importe pour la complète intelligence de toute la chose, que si loin que le regard pouvait aller, traversant la plage et les champs, jusqu’à la lisière lointaine des bois fermant l’horizon, ne se voyait aucun signe de vie ni d’habitation, hors ce Christ en croix aux pieds duquel étions terrés, attendant l’ennemi, et grands vols d’oies sauvages tournoyant au-dessus de nos têtes.

Et faisait ce jour-là chaleur fort lourde et toute chargée d’eau. Et le ciel, depuis le matin, restait barré de longs nuages noirs, et les flots du grand fleuve étaient livides comme coulée de plomb.

Or, les Anglais avançaient d’un pas mesuré, cependant qu’un peu inquiets, et les yeux fixés sur cette grand croix blanche qui, en toute cette solitude, semblait chose plus insolite que jamais. À leur tête était l’officier commandant qui, pour autant que je pouvais discerner à distance, me semblait tout jeune et presque un enfant.

J’avais indiqué à mes hommes une grosse roche située à environ deux cents pas de nous, et je leur avais dit : « Quand ils seront là, mais pas avant, vous ouvrirez le feu. »

Et ainsi fut fait, les huit coups de fusil partant presque ensemble, et, à ce que nous sem-