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L’ENSEIGNEMENT DES SCIENCES APPLIQUÉES

Il y a des savants toujours tentés de considérer les cours de science appliquée comme des cours d’ordre inférieur à ceux de science pure. Ils ne se doutent probablement pas que les applications de la science soulèvent à chaque instant des problèmes plus complexes encore que ceux que se pose spontanément l’intelligence humaine. Le rôle du professeur de science appliquée est de s’attaquer à ces problèmes, non pas en les heurtant de front, ce qui rendrait souvent l’entreprise infructueuse, mais en les tournant, en dégageant de loin les rameaux extérieurs et en gagnant peu à peu le cœur du labyrinthe. Si Pasteur ne s’était pas détourné un moment de la science pure pour consacrer une partie de son temps à l’étude des problèmes que soulève la brasserie, il n’eût probablement pas fait les découvertes qui ont immortalisé son nom.

Que les certifiés de science pure accueillent donc les certifiés de science appliquée comme des frères cadets s’ils le veulent, mais ayant droit au même héritage, c’est-à-dire aux mêmes faveurs. C’est avec raison que les certificats de science appliquée comptent pour la Licence et par conséquent qu’ils servent à conférer la dispense de deux années de service militaire. La Patrie gagnera certainement beaucoup à ce qu’un certain nombre de ses enfants, tout en se tenant prêts à remplir leurs devoirs militaires en temps de guerre, fourbissent des armes pour la lutte internationale industrielle. Le législateur, en accordant ces dispenses, n’a pas voulu favoriser telle ou telle catégorie de citoyens, mais il a pensé que le temps passé à apprendre le combat dans l’armée pacifique de la science et du travail valait bien celui consacré à l’apprentissage militaire.

Il serait bon aussi qu’un groupement de certificats d’études supérieures, pures et appliquées, adapté à certaines vues, à certaines professions, donne droit à un diplôme professionnel spécial qui recommande l’impétrant au choix des industriels. Ces diplômes varieront avec le nombre et la nature des certificats et avec les enseignements donnés par l’Université. La faveur dont ils jouiront dans le public dépendra du nom des professeurs qui les auront délivrés, mais elle dépendra aussi pour beaucoup de la valeur de ceux qui en seront revêtus les premiers. Ce sera l’intérêt des Universités d’en tenir le niveau très élevé. Dans ce cas encore, souhaitons qu’il n’y ait pas de réglementation générale et qu’on laisse aux Universités les ferments de toutes les œuvres utiles, l’initiative et la liberté.

J. Gosselet.