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ÉTUDIANTS EN DROIT ET FACULTÉS DES LETTRES

lisation du projet à un vote du Parlement qui accorderait la dispense de deux ans de service militaire aux licenciés en droit du nouveau modèle ; une année passée à la Faculté des lettres leur vaudrait l’exemption de deux années à passer sous les drapeaux.

Cette combinaison aurait l’avantage incontestable de sauver le doctorat en droit comme grade scientifique. Il est inévitable, en effet, que le doctorat, exigé à l’heure actuelle pour la dispense de deux ans de service, perde peu à peu son ancienne valeur ; qu’on le veuille ou non, la poussée des candidats médiocres, sera plus forte que la vigilance des examinateurs, et, en vingt ans de ce régime, le doctorat en droit vaudra tout juste ce que vaut aujourd’hui la licence. On nous permettra de dire qu’il aura vécu comme haut grade scientifique ! On lui conserverait sa valeur si on arrivait à obtenir la dispense des deux ans de service pour les licenciés en droit, grâce à la création du P. C. N. littéraire.

Votre commission est loin de méconnaître ce qu’il y a de séduisant dans cet aperçu. Elle est très pénétrée des dangers que la loi militaire en vigueur fait courir à la valeur du diplôme de docteur en droit et serait volontiers séduite par une combinaison rendant aux études de doctorat leur caractère purement désintéressé. Mais elle aperçoit deux difficultés qu’elle m’a donné mandat de vous signaler.

La première est d’ordre législatif ; elle échappe, par conséquent, à votre compétence et ne peut être qu’indiquée. Il est douteux que la dispense de deux ans de service militaire soit accordée aux licenciés en droit même après que la durée de leurs études aura été portée de trois à quatre ans. Les dispositions du Parlement à leur égard semblent peu favorables, s’il faut en juger par certains débats qui ont eu lieu précédemment dans les Chambres. En tout cas, la réalisation préalable de la réforme qui nous occupe pourrait seule modifier ces dispositions, et il n’est pas sans danger de réaliser d’abord la réforme pour courir ensuite la chance d’obtenir des Chambres une modification de la loi militaire. Cette difficulté, pour n’avoir trait qu’à la procédure, n’en est pas moins embarrassante.

Il en est une seconde. À supposer même que la dispense de deux ans de service soit accordée aux nouveaux licenciés en droit, la création du P. C. N. littéraire n’aurait pas moins pour effet d’allonger la durée des études imposées pour l’obtention du grade de docteur en droit. Actuellement, sauf des exceptions très rares, cette durée est de cinq ans et demi à six ans ; on peut compter six années[1]. Elles seront portées à sept par la création

  1. Officiellement, la durée de la scolarité pour le doctorat est seulement d’une année. Mais il est pratiquement impossible de conquérir le diplôme dans ce délai. En fait, deux ans et demi sont un minimum. Le premier examen ne peut être subi qu’après la quatrième inscription, qui est prise du 1er au 15 juin de la première année ; le second examen est subi en mars ou avril de la seconde année ; la composition de la thèse exige ensuite, dix à douze mois, d’autant plus que ce temps est coupé par les vacances entre la seconde et la troisième année, vacances qui sont un temps de repos nécessaire et pendant lesquelles les bibliothèques, indispensables pour la préparation de la thèse, sont d’un accès malaisé. Le total est bien de deux ans et demi, à condition, bien entendu, que tous les examens soient subis avec succès dès la première épreuve : or il faut observer que la moitié des candidats environ est ajournée une fois chacun des deux examens, ce qui impose des délais supplémentaires.
    Il est difficile que la durée de deux ans et demi soit réduite, car il faut aux élèves le temps matériel de suivre les cours spéciaux professés à leur usage, cours annuels qu’ils ne peuvent suivre tous la même année. Cela même fût-il possible — et c’est le cas, dans une certaine mesure, pour les aspirants au doctorat juridique — il n’est pas désirable que les études de doctorat durent moins de deux ans et demi. Ceux qui parviennent au but en un temps moindre le doivent à des qualités de mémoire et de facile assimilation ; les études de doctorat ne sont utilement faites qu’avec lenteur et réflexion, étant