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REVUE INTERNATIONALE DE L’ENSEIGNEMENT

trop facile, parce que l’on n’y juge que superficiellement les candidats, surtout parce que telle est sa réputation, qui désorganise les classes. S’il est trop facile, ce n’est pas la faute du programme, ni du mécanisme de l’examen, ni même des recommandations qui ne servent qu’à abuser la sollicitude des papas et des mamans, et ne sont qu’un échange de politesses insignifiantes. C’est la faute de l’esprit public, d’un faux sentiment démocratique, des réclamations puériles des familles et de l’opinion, des circulaires recommandant l’indulgence (ne l’a-t-on pas fait il y a une dizaine d’années ?), enfin de la tiédeur ou de l’indifférence, faut-il dire du découragement des Universités ? Tout le monde déclare aujourd’hui qu’il y a trop de bacheliers, trop d’avocats, de médecins, de professeurs, etc. Mais tout le monde se plaint aussi que les épreuves du baccalauréat soient trop difficiles. Il faut pourtant choisir. Voici une solution : ne donnons que des sujets ou des questions de force moyenne, mais jugeons plus sévèrement les réponses[1]. Il n’en faut pas plus pour écarter les non-valeurs et les candidats préparés par l’industrie. C’est une première réforme très simple puisqu’elle consiste à substituer les notes 6 ou 7 aux notes 9 où 19, c’est-à-dire à ne pas noter passable ce qui est insuffisant. Il n’y faut que du courage et de la décision, Dira-t-on que cela est chimérique, et qu’il est plus facile — et plus efficace — de bouleverser encore une fois tout notre enseignement ?

Autre réforme banale et héroïque, I faut surveiller mieux. Quand on les surprend, les fautes sont sévèrement punies — pourvu qu’on ne s’avise pas de les faire juger par un tribunal ; les tribunaux ou les jurys acquittent toujours les vols de diplôme. Mais il y a beaucoup de fraudes, et l’on en surprend assez peu. La conscience et même le zèle des professeurs qui surveillent sont évidemment hors de cause ; mais j’estime que l’on se trompe souvent sur l’adresse des candidats et sur sa propre perspicacité. On croit qu’il suffit de surveiller bien le commencement de la séance, puis de jeter un coup d’œil de temps en temps, d’avertir ou de menacer ceux que l’on voit se rapprocher pour causer, et que l’on peut d’ailleurs, mène quand on est seul, lire à son aise ou travailler. Erreur ! Les candidats, c’est leur vraie supériorité, sont, à ce jeu, plus habiles que nous : et le candidat est, sauf exception, peu scrupuleux, Les jeunes gens les plus sympathiques ne voient aucun inconvénient à se servir de leurs notes, à demander ou à donner un renseignement au voisin : à qui s’en étonne ils répondent invariablement que cela ne fait de tort à personne. Ce sont des mœurs à réformer par l’éducation ; si décriée que soit l’éducation des lycées, ce n’est pas là que cette réforme sera le plus difficile. En attendant, il faut surveiller : l’important est de décourager la fraude ; voilà le premier service à rendre aux bonnes classes de l’enseignement secondaire, Les précautions des Facultés les plus exigeantes, interdiction de sortir, usage de feuilles de couleurs différentes, etc., tout cela est excellent, mais ne suffit pas ; il faut surveiller et ne pas faire autre chose.

Enfin, à l’oral, on juge superficiellement parce qu’on juge trop vite. En dix minutes, quelquefois cinq, quelquefois moins, on décide sur la valeur ou la culture de l’esprit d’un jeune homme en sciences, en lettres, en histoire, etc, Sans doute, il y a de telles inepties ou de tels traits de

  1. J’ajoute qu’il faudrait renoncer à proposer trois sujets de composition mieux vaudrait augmenter le nombre des compositions) et à maintenir pour un an une admissibilité souvent accidentelle.