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REVUE INTERNATIONALE DE L’ENSEIGNEMENT

pas des notions élémentaires de tenue ; cela mécontente les parents. « Tous les collèges à peu près sont placés en face d’un établissement tenu par des prêtres, où les élèves n’apprennent rien, mais d’où ils sortent toujours bien brossés, bien luisants, la mine fraîche et riante, confits en politesse, lestes à saluer et souples à faire la révérence ». Les professeurs devraient participer à l’administration de la maison ; ils devraient posséder une situation honorée, stable, garantie contre les caprices des administrateurs. Quant aux maîtres d’études, le ministère les encourage à préparer l’agrégation, à quitter l’éducation pour le professorat ; c’est montrer que l’on considère leur tâche comme subalterne. Rien de plus faux. « Le professeur et l’éducateur doivent être sur le même rang, appelés à un avancement d’un ordre divers, mais parallèle ». Pourquoi l’École normale, outre la section des lettres et celle des sciences, n’en aurait-elle pas une troisième pour la pédagogie[1] ?

Le caractère classique et littéraire de l’enseignement des collèges n’était point pour déplaire à certains républicains. Le premier rédacteur de la Tribune, Auguste Fabre, disciple des idéologues, voyait dans de fortes études classiques et philosophiques le meilleur moyen de former les âmes hautes et généreuses qui sont nécessaires à une démocratie[2]. Mais les savants, qui étaient nombreux dans le parti radical, se plaignirent de la part infime réservée aux sciences. Raspail écrivait dans son journal, le Réformateur : « L’enfant pourrait sortir des mains de l’Université médecin, naturaliste, chimiste, physicien, philosophe, légiste, citoyen enfin de son époque et de son pays ; il n’en sort que pour bégayer des mots et estropier des phrases ». Arago plaida devant la Chambre des députés la cause de l’enseignement scientifique, et à ce propos le National reprit contre le préjugé du latin les arguments des saints-simoniens. L’étude du latin, dit-il, nous vient de l’Église, du moyen âge ; cette langue servait alors de lien entre les classes instruites des différents pays, mais constituait une caste de lettrés séparée des masses ; la démocratie, qui ne veut point de ces barrières, doit préférer l’enseignement du français[3]. — Toutefois un pareil langage était rare ; les publicistes radicaux défendaient le plus souvent les études classiques et repoussaient un enseignement trop utilitaire. Quand Michel

  1. 16 septembre 1837 ; 17 novembre 1844.
  2. Fabre, La révolution de 1830 et le véritable parti républicain, 1833, t. I, p. CX sqq.
  3. Réformateur, 3 mai 1835. National, 26 mars 1837. J’ai résumé la pédagogie Saint-simonienne dans la Revue internationale de l’enseignement (15 mars 1896).