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bertrand de chalancon

et le bourg Saint-Antonin, dont l’évêque tira une grande somme d’argent pour les laisser tranquilles ; ce qu’il fit et en fut fort blâmé[1]. Pendant que tout cela se faisait, quelques mauvais garçons s’en allèrent à ceux qui gardaient le château de Villemur, leur dire que toute l’armée venait pour leur donner assaut et les prendre, et qu’on avait délibéré de faire de cette place comme des autres qu’on avait mises à feu et à sang sans recevoir à merci aucune âme vivante. Les gens de Villemur eurent à cette nouvelle si grande peur et frayeur, qu’ils résolurent entre eux d’abandonner la place et d’y mettre le feu partout, ce qui fut fait. Un lundi donc à la nuit, au moment où la lune commençait à luire, on mit le feu au château et à la place de Villemur ; et ce fut grande pitié et dommage de brûler et perdre une telle place, car l’armée n’avait pas l’intention d’aller à Villemur, mais cheminait et avançait tant qu’elle pouvait pour aller joindre les autres armées, marcher vers ledit légat, et lui donner secours pour prendre Béziers…

Si l’on rapproche les deux versions, celle du poète et celle du chroniqueur, on trouve à peu près l’identité du récit. Le chantre provençal est aussi topique et non moins précis que le simple conteur. Il est certain que les brûlantes invocations du pape Innocent III, et de son légat a latere, Milon, avaient ébranlé toute la chrétienté et provoqué une véritable avalanche des peuples du Nord et du centre de la France. Dès les premiers jours de juillet 1209, la ville de Lyon, assignée comme rendez-vous général, contenait dans ses murs une foule immense de pèlerins et d’hommes d’armes, venus de Bourgogne, de Picardie, des Flandres, de Normandie, de l’Aquitaine et même des con-

  1. Voici en quels termes l’un de nos compatriotes, Jean Chassanion, « de Monistrol en Vellai », raconte cet épisode de la guerre des Albigeois : « Au mesme tans autres grandes forces s’assemblerent devers le Pui, sous la conduite de l’Evesque du Pui, qui avec ses gens vint à Causade et au bourg S. Antonin dont il receut grande somme de deniers pour les épargner et passer outre. De quoi il fut blamé de plusieurs à cause de son avarice. » (Histoire des Albigeois, Genève, 1595, in-8. p. 110.)