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Assez insignifiant au premier abord, cet acte empruntait à la qualité de l’offensé un caractère d’extrême gravité à une époque surtout où s’attaquer à un serviteur de l’Église constituait presque un crime de haute trahison. Le malheureux sergent encourut pour ce fait l’excommunication, peine terrible alors dont nous rappellerons en peu de mots les principales conséquences. L’excommunié, banni de la société et de l’assemblée des fidèles, ne pouvait boire et manger avec ses semblables. Il n’était permis de l’approcher ni à ses domestiques, ni à sa femme, ni à ses enfants. Tout emploi lui était interdit, ainsi que la faculté d’ester en jugement et d’user de ses droits. Un édit de saint Louis, daté de 1228, obligeait les excommuniés de solliciter leur pardon des évêques et de satisfaire à l’Église, dans le délai d’un an, sous peine d’y être contraints par la saisie de leurs biens et l’emprisonnement de leurs personnes[1].

Le dernier jour de mai 1378, dans l’église de Saint-Médard de Saugues, en présence d’un notaire public et de plusieurs témoins, on vit le sergent du dauphin d’Auvergne s’agenouiller devant Jean Fournier, délégué par l’official de Mende, et le supplier de lever l’excommunication qui pesait sur sa tête. Touché de ses prières et de son repentir, Pons de Coudoulous, prêtre et trésorier de l’église de Béziers, sur l’ordre de l’official, leva la sentence excommunicative, en infligeant toutefois à Pierre Roget, en réparation de sa faute, la pénitence suivante.

Sans armes, sans chaussures, nu-pieds et dépouillé d’une partie de ses vêtements, Pierre Roget, tenant à la main un cierge allumé du poids de trois livres, se rendit dans la cathédrale de Mende et resta debout durant la célébration de la grand’messe devant l’autel de Saint-Privat sur lequel il déposa son flambeau après la communion en disant à haute et intelligible voix en présence de tout le peuple : « Moi, Pierre Roget, j’accomplis cette pénitence parce que, contrairement à la justice

  1. Voir le Dictionnaire de Trévoux, au mot excommunication.