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Cette scène, qui a subi de nombreuses mutilations, est la partie la mieux interprétée de l'élément plastique du retable. Dans les fio;ures sculptées, aucune n'approche de celle de Marie-Madeleine pour le pathétique. Derrière elle, apparaît un soldat romain, monté sur un cheval ; au deuxième plan, deux autres cavaliers, tournés l'un et l'autre vers la croix. L'un d'eux, Longin, a perdu sa lance. Le Christ en croix mérite une mention spéciale. Il nous a paru, de prime abord, d'une facture moderne, tant il semble s'écarter des types familiers aux artistes du xv^ siècle. Il se distingue, en effet, par la beauté et la distinction des formes et une sérénité d'ex- pression peu commune.

Les deux larrons, dont les croix étaient fixées dans les deux rocs, existent encore. Ils reprendront leur ancienne place dès qu'on effectuera la restauration projetée. A droite de la scène centrale, se trouvent trois sujets représentant la Trahison de Judas, le Couron- nement d'épines et, à l'extrémité, la Flagellation ; à gauche, dans un ordre analogue, la Descente de croix, la Mise au tombeau, la Résurrection. Ces groupes renferment de six à neuf figures, inégales de facture, parfois incorrectes de proportions, mais toutes vivantes et énergiques, d'une « taillure » rude et sommaire, et qui inté- ressent grandement par les sentiments divers qu'elles reflètent. La piété et la commisération, la haine et la colère brutale, la dou- leur et la résignation se peignent sur les physionomies des person- nages mis en scène par l'artiste.

Les imagiers de nos contrées étaient très prisés en France. Aussi importe-t-il de rappeler l'histoire si curieuse des fameuses stalles de la cathédrale de Rouen, à l'édification desquelles ils ont contri- bué dans une si large mesure. Paul Mosselmann, le plus connu * d'entre eux, avait déjà travaillé dans le Berry.

Le roi René d'Anjou, de passage à Bourges, après avoir visite, le 15 mai 1453, l'hôtel de Jacques Cœur, l'argentier du roi, qui venait d'être condamné, se rendit ensuite dans l'atelier 011 l'on sculptait les ornements du tombeau du duc de Berry, et son trésorier inscrivait sur son registre : « A Esticnne Bobillet et Paul de Mosselemen, ymagiers, ledit jour, CX solz a eulx donnez par le dit seigneur pour

^ I*a»il Mosselmann est considéré i)ar De Laborde, mais sans preuve, comme étant né à Ypres, (Les ducs de lîmirgogne. t. 1, p. cxix). Nous penchons à le croire brabançon. Kn tout cas, il a été inscrit dans la Ljilde des ima<;iers de Bruxelles.