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LE PARFAIT MARESCHAL.

CHAP.
Ⅳ.
Des Surdents.


ON appelle des Surdents, lors que les dents machelieres viennent à croistre en dehors, ou en dedans ; en sorte que voulant manger, les pointes des dents qui sont cruës plus hautes que les autres, pincent la chair ou la langue, & font douleur, & l’empeschent de manger.

Cette incommodité, quoy que de petite consequence, ne laisse pas d’embarasser quand on le void perdre le manger, sans aucune cause manifeste ; qu’il a l’œil & le poil bon, qui est gay, que neantmoins il amaigrit, ne pouvant manger : il faut manier les dents machelieres si l’on rencontre tout au travers des lévres, les pointes qu’on appelle surdents, ou dents de Loup ; on prend un pas d’Asne, qui est un fer que tous les Mareschaux ont, avec lequel on fait tenir au Cheval la bouche ouverte, & on void les surdents, on les rompt avec une gouge ( tous les Mareschaux en sont pourveus ) on frappe sur la gouge adroitement ; car autrement on ébranle une bonne dent au lieu de la surdent, & mesme toute la mâchoire : Pour éviter cet inconvenient, qui peut aisément arriver, au lieu d’abbattre les surdents avec la gouge, l’on fait mâcher au Cheval une grosse lime, que les Serruriers appellent un carreau, il rompra de luy mesme les surdens qui surpassent si elles sont petites, sans aucun risque d’ébranler les grosses dents, il faut luy faire marcher ce carreau pendant un quart d’heure de chaque costé.

J’ay eu un Mulet qui avoit une dent macheliere de dessous d’une extrême longueur, comme la dent de dessus estoit tombée, celle de dessous monta dans ce vuide, & perça le palais de l’espaisseur d’un doigt, ce qui luy faisoit grande peine quand il beuvoit. J’ay apporté cet exemple comme extraordinaire, & pour faire voir que les dents quand une fois elles débordent, de qu’elles ne s’usent pas les unes les autres en mâchant, croissent extrémement jusqu’à percer le palais, comme je l’ay dit.

J’ay veu un vieux Cheval qui avoit une des grosses dents de dessus cruë de travers si longue qu’elle sortoit l’epaisseur d’un doigt, du rang des autres machelieres ; il fallut abattre le Cheval pour luy casser cette sur-dent avec la gouge, ce que nous fismes avec bien de la peine ; mais la mâchoire en fut si fort ébranlée, qu’il ne mangea de quinze jours qu’avec bien de la peine ; enfin il se remit & mangea tres-bien, ce qu’il ne pouvoit faire ayant