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Page:Soloviev - L'Idée russe.djvu/19

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peuple dont la Providence divine s’est occupée spécialement est le peuple d’Israël, si la raison d’être de ce peuple unique n’était pas en lui-même, mais dans la révélation chrétienne qu’il a préparée, et si enfin dans le Nouveau-Testament il n’est plus question d’aucune nationalité en particulier, et même il est expressément déclaré qu’aucun antagonisme national ne doit plus subsister, ne faut-il pas en conclure que dans la pensée primordiale de Dieu les nations n’existent pas en dehors de leur unité organique et vivante, — en dehors de l’humanité ? Et si cela est ainsi pour Dieu, cela doit être ainsi pour les nations elles-mêmes, en tant qu’elles veulent réaliser leur idée véritable qui n’est autre chose que leur manière d’être dans la pensée éternelle de Dieu.

La raison d’être des nations ne se trouve pas en elles-mêmes, mais dans l’humanité. Mais où est-elle cette humanité ? N’est-elle pas un être de raison privé de toute existence réelle ? Autant vaudrait-il dire que le bras et la jambe existent réellement et que l’homme entier n’est qu’un être de raison. Du reste tous les zoologistes connaissent des animaux (appartenant pour la plupart à la classe inférieure des actinozoa : méduses, polypes, etc.), qui ne sont au fond que des organes très différenciés et menant une vie isolée, de sorte que l’animal complet n’existe qu’en idée. Telle était aussi la manière d’être du genre humain avant le Christianisme, quand il n’y avait en réalité que