Page:Soloviev - L'Idée russe.djvu/6

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ralement reçu que des solutions dérisoires. Considérée par plusieurs comme oiseuse, et comme trop téméraire par d’autres, cette question est, en vérité, la plus importante entre toutes pour un Russe, et, en dehors de la Russie, elle ne saurait manquer d’intérêt pour tout esprit sérieux. J’entends la question sur la raison d’être de la Russie dans l’histoire universelle.

Quand on voit cet empire immense se produire avec plus ou moins d’éclat, depuis deux siècles, sur la scène du monde, quand on le voit accepter, sur beaucoup de points secondaires, la civilisation européenne, et la rejeter obstinément sur d’autres plus importants, en gardant ainsi une originalité qui, pour être purement négative, n’en paraît pas moins imposante, — quand on voit ce grand fait historique, on se demande : Quelle est donc la pensée qu’il nous cache ou nous révèle ; quel est le principe idéal qui anime ce corps puissant ; quelle nouvelle parole ce peuple nouveau venu dira-t-il à l’humanité ; que veut-il faire dans l’histoire du monde ? Pour résoudre cette question, nous ne nous adresserons pas à l’opinion publique d’aujourd’hui, ce qui nous exposerait à être désabusés demain. Nous chercherons la réponse dans les vérités éternelles de la religion. Car l’idée d’une nation n’est pas ce qu’elle pense d’elle-même dans le temps, mais ce que Dieu pense sur elle dans l’éternité.