Page:Soloviev - L'Idée russe.djvu/8

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universelle, l’idée qui détermine son existence dans la pensée de Dieu, ne s’impose jamais comme une nécessité matérielle, mais seulement comme une obligation morale. La pensée de Dieu, qui est une fatalité absolue pour les choses, n’est qu’un devoir pour l’être moral. Mais, s’il est évident qu’un devoir peut être rempli ou non, peut être rempli bien ou mal, peut être accepté ou rejeté, on ne saurait admettre, d’un autre côté, que cette liberté puisse changer le plan providentiel, ou enlever son efficacité à la loi morale. L’action morale de Dieu ne peut pas être moins puissante que son action physique. Il faut donc reconnaître que, dans le monde moral, il y a aussi une fatalité, mais une fatalité indirecte et conditionnée. La vocation ou l’idée propre que la pensée de Dieu assigne à chaque être moral — individu ou nation — et qui se révèle à la conscience de cet être comme son devoir suprême, — cette idée agit, dans tous les cas, comme une puissance réelle, elle détermine, dans tous les cas, l’existence de l’être moral, — mais elle le fait de deux manières opposées : elle se manifeste comme loi de la vie, quand le devoir est rempli, et comme loi de la mort, quand il ne l’est pas. L’être moral ne peut jamais se soustraire à l’idée divine, qui est sa raison d’être, mais il dépend de lui-même de la porter dans son cœur et dans ses destinées comme une bénédiction ou comme une malédiction.

Ce que je viens de dire est ou devrait être un lieu commun pour tout — je ne dirai pas chrétien — mais