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Page:Soloviev - Trois entretiens sur la guerre, la morale et la religion, trad Tavernier, 1916.djvu/122

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dont l’humanité doit infailliblement et même tout de suite s’affranchir ? Vous doutez si l’entière et prompte abolition de ce cannibalisme serait, dans tous les cas, le triomphe de la raison et du bien ?

M. Z… – Je suis même entièrement assuré du contraire.

LE PRINCE. – De quoi donc ?

M. Z… – De ceci : que la guerre n’est pas un mal absolu et que la paix n’est pas un bien absolu, ou, plus simplement, qu’il peut y avoir et qu’il y a une guerre bonne et qu’il peut y avoir et qu’il y a une paix mauvaise.

LE PRINCE. – Ah ! Maintenant, je vois en quoi diffèrent votre opinion et celle du général. Lui, pense que la guerre est toujours un bien, et la paix toujours un mal.

LE GÉNÉRAL. – Mais non ! J’admets parfaitement que la guerre peut être parfois une chose très fâcheuse, précisément quand nous sommes battus, comme, par exemple, à Narva ou à Austerlitz, et que la paix peut être une chose magnifique, telle, par exemple, que la paix de Nichstadt ou de Kutchuk-Kaïnardji.

LA DAME. – Voilà, me semble-t-il, la variante du célèbre apophtegme de ce Cafre ou de ce Hottentot qui se vantait à un missionnaire de savoir parfaitement distinguer entre le bien et le mal : le bien, disait-il, c’est lorsque j’enlève à autrui des femmes et des vaches ; le mal, lorsqu’on m’enlève les miennes.

LE GÉNÉRAL. – Votre Africain et moi nous plaisantions ; lui, sans le vouloir ; et moi, à dessein. Maintenant, il