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Page:Soloviev - Trois entretiens sur la guerre, la morale et la religion, trad Tavernier, 1916.djvu/132

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homme doué de raison et de conscience ne peut accomplir de telles actions.

M. Z… – Encore un jeu de mots ! Certainement, l’homme qui se conduit comme une bête sauvage perd la raison et la conscience, c’est-à-dire qu’il cesse d’écouter leur voix ; mais que la conscience et la raison ne parlent plus du tout en lui, voilà ce que vous avez encore à démontrer. En attendant, je continue de penser que l’homme féroce se distingue de nous non point par l’absence de raison et de conscience, mais seulement par sa résolution d’agir à leur encontre, selon les appétits d’une bête sauvage. Réellement, la bête existe en nous, mais, d’ordinaire, nous la maintenons captive, tandis que l’homme en question l’a déchaînée ; et il se traîne derrière sa queue. Il dispose toujours d’une chaîne, seulement il ne s’en sert pas.

LE GÉNÉRAL. – C’est bien cela. Et si le Prince ne se rend pas, battez-le vite avec sa propre crosse. Si le scélérat n’est qu’un animal sans jugement et sans conscience, alors il n’y a aucune raison de ne pas le tuer comme un loup, comme un tigre qui se jette sur un homme. Même, il me semble que la Société protectrice des animaux ne s’y oppose point.

LE PRINCE. – De nouveau vous oubliez que, quel que soit l’état d’esprit de cet homme – entière atrophie de la conscience et de la raison, ou bien immoralité consciente, à supposer que cela soit possible – le problème se pose, non dans cet homme, mais en vous. Votre conscience et votre raison ne se sont pas atrophiées. Vous ne pouvez donc pas, en connaissance