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Page:Soloviev - Trois entretiens sur la guerre, la morale et la religion, trad Tavernier, 1916.djvu/179

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LA DAME. – Et Pouchkine ?

L’HOMME POLITIQUE. – Pouchkine ?… Pourquoi Pouchkine ?

LA DAME. – J’ai lu récemment dans les journaux que la poésie nationale de Pouchkine a été engendrée par la glorieuse guerre de 1812.

M. Z… – Non sans la spéciale participation de l’artillerie, comme l’indique le nom de famille du poète[1].

L’HOMME POLITIQUE. – Soit ; c’est possible. Je continue. Dans le cours du temps, l’inefficacité, l’inutilité de nos guerres devient de plus en plus évidente. Chez nous, on apprécie beaucoup la guerre de Crimée parce que son insuccès a provoqué l’affranchissement des serfs et les autres réformes d’Alexandre II. S’il en est ainsi, les heureuses conséquences d’une guerre malheureuse, et précisément pour cela seul qu’elle a été malheureuse, ne sauraient servir d’apologie pour la guerre en général. Supposons que, sans savoir pourquoi, je m’avise de sauter d’un balcon, que je me démette la main et que, fort à propos, cette luxation m’empêche de souscrire une ruineuse lettre de change, il ne me viendra pas à l’esprit de soutenir qu’en général on doit sauter d’un balcon et non pas en descendre par l’escalier. L’homme dont la raison n’est pas endommagée ne supposera jamais qu’il doit s’endommager la main afin de se dispenser de contracter une dette désastreuse. À lui seul, le sens commun suffira pour le préserver en même temps des sauts absurdes

  1. De pouschka, canon.