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Page:Soloviev - Trois entretiens sur la guerre, la morale et la religion, trad Tavernier, 1916.djvu/246

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quand, avec les enfants et les petits-enfants, surviennent les infortunes diverses ? Quelle satisfaction et quel goût y trouver ? C’est comme les fleurs aquatiques d’un marécage : on les cueille et on s’enfonce.

M. Z… – En outre, on peut et on doit prendre soin des enfants et des petits-enfants quand même[1], sans résoudre et aussi sans poser la question de savoir si notre sollicitude leur procurera le bien réel et définitif. Vous prenez soin d’eux non en vue de n’importe quoi, mais parce que vous avez à leur égard un vivant amour. On ne peut éprouver un tel amour pour l’humanité future, qui n’existe pas encore. Alors, on juge combien est fondée la question que pose la raison sur le sens final, c’est-à-dire sur le but de nos sollicitudes. Si, en dernière instance, cette question se résout par la mort ; si le dernier résultat de votre progrès et de votre culture est tout de même la mort de chacun et de tous, alors, évidemment, toute activité progressiste et civilisatrice se déploie en vain. Elle n’a point de but ni de signification.

(Ici, M. Zs’interrompit tout à coup ; et les autres interlocuteurs tournèrent la tête vers la porte, qui venait de s’ouvrir en sonnant. Quelques instants de surprise s’écoulèrent. Dans le jardin entrait et, à pas inégaux, s’avançait le Prince.)

LA DAME. – Ah ! Mais nous n’avons pas encore commencé à nous occuper de l’Antéchrist.

LE PRINCE. – Peu importe. J’ai changé d’avis. Il me semble que j’ai été injuste en condamnant l’erreur de mes amis sans écouter leur justification.

  1. En français. (N. d. t.)