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Page:Soloviev - Trois entretiens sur la guerre, la morale et la religion, trad Tavernier, 1916.djvu/306

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élu le cardinal Simone Barionini, qui avait pris le nom de Pierre. Né dans une pauvre famille de la région de Naples, il appartenait à l’ordre des Carmes et avait acquis de la réputation comme prédicateur ; de même par de très importants services dans la lutte contre une secte satanique qui faisait des progrès à Pétersbourg et dans les environs et qui séduisait non seulement des orthodoxes mais aussi des catholiques. Devenu archevêque de Mohilev, puis cardinal, il se trouvait d’avance désigné pour la tiare. C’était un homme de cinquante ans, de taille moyenne et de constitution robuste, au teint ronge, au nez busqué, aux épais sourcils. D’un tempérament ardent et impétueux, il parlait avec chaleur en faisant des gestes larges et entraînait son auditoire plus qu’il ne le persuadait. Le nouveau pape témoignait de la défiance et de l’antipathie envers le maître universel, surtout depuis que celui-ci avait, par ses instances, obtenu du pape précédent, en route pour le concile, l’élévation au cardinalat de l’exotique évêque Apollonius, devenu chancelier impérial et grand mage universel. Pierre considérait Apollonius comme un catholique douteux et comme un indubitable imposteur. Le chef des pravoslaves, dépourvu de titre officiel, mais chef de fait, était le moine Jean, très célèbre parmi le peuple russe. Quoiqu’il fût officiellement évêque « retraité », il n’habitait aucun monastère et circulait constamment, dans toutes les directions. Il y avait sur lui diverses légendes. Certains assuraient qu’il était Fédor Kouzmitch ressuscité, c’est-à-dire l’empereur Alexandre Ier, né environ trois siècles auparavant.