l'Officier chargé de commander à l'île de France, prétendra
toujours, qu'il est essentiel d'y laisser des troupes nombreuses
en cas de rupture prochaine : il est de sa grandeur d'avoir beaucoup
d'hommes sous son commandement, mais en servant son
orgueil, ils deviennent inutiles à leur patrie. Ce n'est pas qu'on
doive abandonner cette île: en tems de paix, elle peut servir
de magasin à toutes les Nations européennes que le commerce
attire dans l'Inde. Mais que d'abus n'y auroit-il pas à réformer
avant que le Roi puisse en retirer quelque profit ? Pour y parvenir,
il faudroit changer entièrement la forme de l'administration.
Quoique l'île de France n'occupe qu'un point sur la terre, elle est le monument le plus remarquable des bouleversemens que le globe a essuyé. Tout ce qui la compote est mêlé de fer, tout a passé par les flammes; on y trouve même la bouche d'un volcan éteint, & plusieurs grottes profondes.
Le climat eft doux, tempéré, fort égal, point de reptiles venimeux ; on n'y connoît d'animal malfaifant que le fcorpion & le cent-pied, ou fcolopendre.
Cette île étoit autrefois très-saine ; mais depuis qu'on a remué les terres, on y est sujet à la fièvre. Outre cela [comme l'a très-bien obfervé, M. de Coffigni dans son Traité de l'indigoterie] les eaux de rivière contiennent beaucoup de mucilage par la décomposition des végétaux qui y tombent, ce qui produit des obstructions, des flux de sang & des dyssenteries dont on ne guérit qu'avec peine.
L'île de France doit la plupart de ses productions végétales à des voyageurs zélés qui les ont apportées de l'Inde, de la Chine, du cap de Bonne-Efpérance & d'Europe. Les bœufs, de même que la plupart des oiseaux, viennent de Madagascar,