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Page:Sonnerat - Voyage aux Indes orientales et à la Chine, tome 2.djvu/141

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106                                  VOYAGE AUX INDES


le sol qui les a produits ; cependant s'il arrive une année où les variations de l'atmosphère, les ouragans, les pluies ou la sécheresse changent l'abondance en stérilité : la famine la plus affreuse désole un pays qui ne devroit jamais en ressentir les atteintes. Telle eft l'ignorance publique, telles font la pareffe & la confiance aveugle & condamnable dans la providence , on ne cultive & on n'amaffe de rcoltes qu'autant qu'il en faut pour une anne : la plus horrible misre y devient quelquefois la fuite de cette fcurit dangereufe & contraire au vu de la Nature. L'inftina des animaux nous apprend. faire des amas de provisions, & les Espagnols n'ont pas même cette prévoyance.

On compte à Manille environ douze mille Chrétiens. Cette ville étoit autrefois beaucoup plus peuplée, lorsqu'elle étoit fréquentée par les Chinois; plusieurs s'y étoient établis, d'autres y faisoient le commerce, mais un Gouverneur trop dévot les bannit par une mauvaise politique, & les chassa absolument de toute l’île. Le commerce & les arts déchûrent & ne se sont pas relevés depuis : la misère & la dépopulation ont été les suites funestes de cette administration.

Les vaisseaux ne mouillent point devant Manille ; l’entrée de la rivire est fermée par une barre qui est très-dangereuse, lorsque la mer est groffe : cependant les petits vaiffeaux y entrent & vont décharger leur cargaison devant la porte des Armateurs. Les vaisseaux qui font obligés d'hiverner Manille, se retirent dans le port de Cavite, situé dans le fond de la baye au Sud-Est, & à trois lieues de Manille.

Cavite a un fort qui n’est point en état de résister à l'attaque d'un ennemi Europen; il est bâti sur une langue de terre basse