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ET PRIAPIQUES


Elle a trop fait pour moy de m’estre impitoyable,
Car ses seules faveurs me font frémir de peur,
Et si j’en recevois, pour décharger mon cœur
J’yrois rendre ma gorge au fonds de quelque étable.

Le parfum de sa bouche est chose insupportable,
Et sa chair rousse et noire a tant de puanteur,
Que pour me garantir d’une telle senteur,
Je fay l’amour de loin, dont je luy sers de fable.

Ainsi sa cruauté m’est cause de plaisir,
Car de la bien sentir je n’ay pas le loisir,
Feignant ne l’approcher, pour la voir si rebelle ;

Un jour je la priois, mais s’elle eût dit ouy,
En m’écriant de peur, je me fusse enfuy ;
Car sa seule rigueur me fait estre fidelle.