Page:Sophocle, trad. Leconte de Lisle, 1877.djvu/478

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’antique tombeau de mon père, je vois, au sommet, des sources de lait récemment répandues, et le sépulcre paternel orné de toute espèce de fleurs. Voyant cela, étonnée, je regarde si aucun homme ne se montre à moi ; mais tout ce lieu étant tranquille, je m’approchai du tombeau, et je vis, au sommet, des cheveux récemment coupés. Dès que je les eus aperçus, malheureuse, une image familière frappa mon âme, comme si je voyais une marque d’Orestès, du plus cher de tous les hommes ; et je les pris dans mes mains, sans rien dire et répandant des larmes à cause de ma joie. Maintenant, comme auparavant, il est manifeste pour moi que ces offrandes n’ont pu être apportées que par lui ; car ce n’est ni moi, ni toi. Je n’ai point porté ces offrandes, certes, je le sais bien ; ni toi, car le pouvais-tu, puisque tu ne peux sortir librement de la demeure, même pour supplier les Dieux ? De telles pensées n’ont point coutume de venir à l’esprit de notre mère, et, l’eût-elle fait, cela ne nous eût point échappé. Sans aucun doute ces dons funèbres sont d’Orestès. Rassure-toi, ô chère. Les mêmes n’ont pas toujours la même fortune. À la vérité, la nôtre nous a été contraire déjà, mais peut-être que ce jour sera l’augure de nombreux biens.

ÉLEKTRA.

Hélas ! J’ai depuis longtemps pitié de ta démence.

KHRYSOTHÉMIS.

Quoi ! ce que je te dis ne te réjouit pas ?

ÉLEKTRA.

Tu ne sais en quels lieux tu erres, ni en quelles pensées.