roi Chalcodon[1]. De là, courte pour moi sera la traversée jusqu’à l’Œta, vers la chaîne des monts de Trachis, vers les belles eaux du Sperchéios. Rends-moi à mon père bien-aimé ; depuis longtemps je crains de l’avoir perdu. Souvent par ceux qui sont venus ici je l’ai convié avec des prières suppliantes à m’envoyer lui-même un navire pour me ramener en mon pays. Mais, ou bien il est mort, ou bien, comme l’auraient fait des serviteurs, ces gens-là, je pense, ont naturellement négligé mon message, et ils se sont hâtés de rentrer chez eux. Mais aujourd’hui, — car c’est vers toi que je me tourne, et tu annonceras mon arrivée en même temps qu’elle aura lieu, — sauve-moi, aie pitié de moi, considère comme la vie pour les mortels est pleine de malheurs, d’instabilité, que tantôt ils sont heureux, que tantôt ils ne le sont plus. Il faut, hors de l’infortune, ne pas perdre de vue l’adversité, et quand on a une existence heureuse, veiller surtout alors sur sa vie, de peur qu’elle ne soit bouleversée sans qu’on l’ait prévu.
Le Chœur. — Aie pitié de lui, roi ; il a dit ses luttes, ses souffrances accablantes. Puisse aucun de mes amis n’en avoir de pareilles ! Mais puisque tu hais, roi, les cruels Atrides, à ta place je ferais tourner à son profit le mal qu’ils t’ont fait : sur ton vaisseau rapide je le ramènerais dans sa patrie, où il brûle de se rendre, et j’échapperais ainsi à la colère des dieux.
- ↑ Chalcodon, roi d’Eubée, avait été, comme Philoctète, un compagnon d’Héraclès, qu’il avait assisté dans sa lutte contre les Eléens. (Pausanias, VIII, 15, 6.) Son nom rappelait aux Athéniens un épisode de la légende de Thésée qui, avant de se retirer à Scyros, avait conduit ses fils chez Éléphènor, fils de Chalcodon, pour qu’il les protégeât. (Cf. Plutarque, Thésée, 35.)
seraient inconcevables. — Il est juste d’ajouter que Sophocle a laissé à dessein les choses dans l’ombre, et que dans toute la pièce Néoptolème parle comme si ces armes ne lui avaient pas été rendues : ce qui a pu tromper quelques modernes.