pour nous. Nous deux donc, partons, et vous, quand nous vous appellerons, soyez prompts à nous rejoindre.
Philoctète. — O cavité chaude et glacée de mon creux rocher, ainsi donc, malheureux que je suis. Je ne devais te quitter jamais, et tu seras témoin de ma mort. Hélas ! Séjour misérable qui n’as jamais été rempli que de mes plaintes, quelle sera désormais pour moi ma quotidienne nourriture ? De qui jamais, d’où, tirerai-je de quoi espérer prolonger ma vie, quand du haut de l’éther, à travers l’air sonore, les peureux oiseaux me poursuivront eux-mêmes ? Je ne puis plus leur résister.
Le Chœur. — C’est toi, c’est toi, qui l’as voulu, infortuné ; ce n’est pas d’un autre, par la volonté d’un plus puissant que ce sort t’est échu, puisque lorsque tu pouvais être raisonnable, à une destinée meilleure tu as préféré la pire.
Philoctète. — O malheureux que je suis, malheureux que la douleur accable, désormais habitant ici loin de tous les hommes, je vais succomber, hélas ! sans pouvoir encore me procurer de nourriture avec ces flèches ailées que je tenais
- ↑ Long commos chanté par le protagoniste et le coryphée. Comme la parodos de l’Œdipe à Colone (117-253) il est formé d’une première partie (1080-1168) qui est antistrophique, d’une seconde (1169-1217) où l’équilibre binaire est rompu : ἀπολελυμένα. Le mouvement va donc crescendo. Quand Philoctète se lamente sur sa situation présente, sur sa mort prochaine, sur la perfidie d’Ulysse, il chante, comme celui qui lui donne la réplique, en strophes égales ; quand on lui parle ouvertement d’aller à Troie, il s’affole, se désespère, veut se tuer et, naturellement, dans ce flot de passion furieuse, ses vers ne se répondent plus.