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Page:Sophocle (tradcution Masqueray), Tome 2.djvu/222

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aussi à lui. Reconnais, oui, reconnais clairement qu’il dépend de toi d’échapper à ton mal : il est pénible à nourrir et il enseigne mal à supporter les innombrables douleurs qui l’accompagnent.

Heurté, agité.

Philoctète.De nouveau, oui, de nouveau tu as réveillé ma vieille torture[1], ô le meilleur de tous ceux qui ont abordé ici. Pourquoi me tuer ? Que m’as-tu fait ?

Le Chœur.Que dis-tu là ?

Philoctète.Si vers cette terre que j’exècre, la terre troyenne, tu as espéré m’emmener.

Le Chœur.C’est le meilleur parti, je pense.

Philoctète.Laissez-moi vite.

Le Chœur.Agréable, oui, agréable est ton ordre et je l’exécute avec empressement. Allons, allons dans la partie du navire qui nous est assignée.

Philoctète.Au nom de Zeus, qui protège ceux qui le prient, ne t’en va pas, je t’en conjure !

Le Chœur.Modère-toi.

Philoctète.Étrangers, restez, au nom des dieux !

Le Chœur.Quel est ce cri ?

Philoctète.Hélas ! Destin, destin cruel ! Je suis perdu, malheureux ! O mon pied, comment dans les jours qui me restent à vivre pourrai-je encore te supporter ? Étrangers, revenez sur vos pas, revenez[2].

  1. Lorsqu’on lui donne le conseil d’aller à Troie, — ce conseil qui la mis subitement hors de lui quand Néoptolème l’a pour la première fois formulé devant lui (cf. 917 sqq.) — on lui propose une chose qu’il n’accomplira jamais, (cf. 632 sqq.) dût-il souffrir tous les maux. Et il prouve encore une fois son émoi, par la précipitation fiévreuse de son refus, de ses supplications, de ses serments, de ses souhaits désespérés.
  2. Il faut donc supposer que le chœur faisait mine de s’en aller, obéissant ponctuellement à l’ordre que Philoctète lui avait donné de le laisser.