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Page:Sophocle (tradcution Masqueray), Tome 2.djvu/230

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Néoptolème.(Pendant qu’Ulysse s’éloigne.) Te voilà devenu raisonnable, et si tu as désormais ces idées, tu t’éviteras sans doute des regrets. — Quant à toi, fils de Pœas, Philoctète, viens, sors de cette caverne.

Philoctète.(A l’intérieur.) Quel est encore près de ma grotte ce bruit de voix qui s’élève ? Pourquoi m’appelez-vous ? Que me voulez-vous, étrangers ? — (Arrivé sur le seuil, il reconnaît Néoptolème.) Ah ! voilà une chose qui ne me présage rien de bon. Est-ce que vous venez m’apporter quelque grand malheur à joindre à ceux que j’ai déjà ?

Néoptolème. — Rassure-toi : écoute ce que je viens dire.

Philoctète. — C’est que j’ai peur : tout à l’heure avec de belles paroles tu m’as perdu, quand je me suis laissé persuader par ce que tu m’as dit.

Néoptolème. — Est-ce qu’on ne peut pas aussi se repentir ?

Philoctète. — Tu parlais avec cette sincérité quand tu me volais mes armes ; au fond, tu n’étais qu’un traître.

Néoptolème. — Il n’en est plus de même maintenant : je veux apprendre de toi si tu es décidé à rester toujours ici ou à faire voile avec nous.

Philoctète. — Arrête : plus un mot. Tout ce que tu pourras dire sera inutile.

Néoptolème. — Ainsi tu es bien décidé ?

Philoctète. — Et plus encore que je ne puis dire, sache-le.

Néoptolème. — Eh bien, j’aurais voulu que tu cédasses à mes raisons, mais puisque mes paroles ne servent à rien, je m’arrête.

Philoctète. — Tous tes propos seront inutiles. Jamais tu ne te concilieras ma bienveillance, puisque par tes ruses tu m’as arraché la vie. Et tu viens ensuite me donner des conseils, fils indigne du plus noble père ! Puissiez-vous périr, les Atrides d’abord, le fils de Laërte ensuite, et toi aussi !

Néoptolème. — Assez de malédictions. Reçois de ma main ces flèches.