Œdipe. — De quel pays est-il ? Qu’est-ce qu’il veut, en se prosternant ainsi ?
Thésée. — Je ne sais qu’une chose : il te demande, me dit-on, une courte réponse, qui ne te coûtera guère.
Œdipe. — Quelle réponse ? Sa posture est bien inquiétante.
Thésée. — On dit qu’il demande de venir conférer avec toi, et de s’en retourner sans que sa venue ici le mette en péril.
Œdipe. — Qui pourrait bien être ce suppliant ?
Thésée. — Réfléchis, si vous avez en Argos quelque parent qui voudrait obtenir de toi cet entretien.
Œdipe. — Cher ami, plus un mot[1].
Thésée. — Qu’as-tu ?
Œdipe. — Ne me le demande pas.
Thésée. — Que veux-tu dire ? Parle.
Œdipe. — Je sais, grâce à ce que mes filles m’ont dit, quel est ce suppliant.
Thésée. — Et qui peut bien être cet homme dont je blâmerais la venue ?
Œdipe. — C’est mon fils, roi, mon odieux fils, celui de tous les êtres que je souffrirais le plus à écouter.
Thésée. — Eh quoi ? cela ne t’est pas possible, sans rien faire contre ta volonté ? En quoi cela t’est-il douloureux, d’écouter ?
Œdipe. — Rien de plus détestable, roi, que cette voix-là ne peut venir à l’oreille de son père : ne me heurte pas à la nécessité de céder sur ce point.
Thésée. — Sa qualité de suppliant ne t’y contraint-elle pas ? Prends-y garde, de peur d’avoir à appréhender le dieu qui le protège.
Antigone. — Mon père, cède à mes conseils malgré ma
- ↑ Le seul nom de cette ville lui apprend qu’il s’agit de Polynice, qui avait épouse la fille d’Adraste, à Argos. Cf. v. 378 sq.
que le chœur a faite des choses v. 1044-1095. Le poète critique en même temps les récits des ἄγγελοι, qui manquent parfois de simplicité. Ce récit, dit Thésée, Œdipe l’entendra de la bouche de ses filles : quand il parle ainsi, le roi d’Athènes ne sait pas que son interlocuteur va bientôt mourir.